Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

120 BATTEMENTS PAR MINUTE (R. Campillo)

<em>120 Battements par minute</em>, R. Campillo - crédits : Celine Nieszawer/Les Films de Pierre/BBQ_DFY/ Aurimages

120 Battements par minute, R. Campillo

Raconter le sida non pas à partir de la médecine et de l’individu, mais dans l’action et le groupe. Tel est le pari réussi par 120 Battements par minute, qui a reçu le grand prix du festival de Cannes 2017. Son auteur, Robin Campillo est un réalisateur rare : on lui doit trois longs-métrages depuis les années 2000. Très choqué à vingt ans,au début des années 1980, par le début de l’épidémie de sida, il a le sentiment qu’il faut faire quelque chose, informer, changer par l’image la représentation de la maladie. Il présente le concours de l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) et intègre l’Institut dans la section montage. Mais à sa sortie, au milieu de la décennie, il ne s’estime pas encore prêt à passer derrière la caméra. Il est donc monteur, travaille à la télévision et coécrit plusieurs films de Laurent Cantet, dont Entre les murs, palme d’or du festival de Cannes 2008. Son premier long-métrage, Les Revenants (2004), aborde le thème de l’épidémie de manière métaphorique. Il écrit ensuite un scénario traitant directement du sida, Drug Holidays, mais ne trouve pas de producteur. Avec Eastern Boys (2014), il se sent enfin à l’aise comme auteur réalisateur et reprend son projet.

Les années terribles

Au début des années 1990, Robin Campillo a milité à Act Up Paris, participant avec passion à la « boîte noire », réunion hebdomadaire où le collectif génère son énergie propre et ses vives tensions. Ce sera l’axe central du film, lieu d’échange, mais aussi de drague et de violence, qui s’efforce par tous les moyens de rendre visibles les séropositifs et la communauté gay. Act Up. Une histoire (Denoël, 2000 ; rééd. 2017), le livre de Didier Lestrade, fondateur d’Act Up France en 1989, servira à structurer le scénario. Mais on ne retrouvera pas nominalement dans le film les protagonistes réels, car 120 Battements par minute se veut une fiction, coécrite par Robin Campillo, à partir de ses souvenirs, avec Philippe Mangeot – un temps président d’Act Up à la fin des années 1990 –, très préoccupé à l’époque par les images que véhiculait le mouvement.

Épique et choral, le film se situe au début de la décennie 1990, à l’intérieur même d’Act Up. Ce sont les années terribles d’avant l’arrivée, en 1996, des trithérapies grâce auxquelles le VIH n’équivaudra plus à une condamnation à l’issue fatale. Auparavant, la séropositivité fait de tous des morts en sursis, à plus ou moins brève échéance. L’urgence commande un militantisme spectaculaire et provocateur vis-à-vis des pouvoirs publics et des laboratoires : slogans grossiers, barbouillage avec du faux sang… Il faut se battre à la fois sur la prévention et la recherche médicale. Cet aspect de fiction documentaire humanisée par la mémoire personnelle du cinéaste est passionnant, autant dans la reconstitution des « zaps » (opérations commandos) que dans l’évocation des débats idéologiques, sociétaux, mais aussi des inimitiés personnelles. Si la maladie est partout, un vigoureux élan collectif entretient une véritable guerre qui, d’« un combattre et mourir pour la suite du monde », parviendra un jour au « vaincre pour ne pas mourir ».

D’entrée, la pédagogie s’impose avec la présentation aux nouveaux entrants du mouvement : « Ce n’est pas une association de soutien aux malades, mais un groupe d’activistes qui vise à défendre les droits de toutes les personnes touchées par le sida. » Puis la parole et l’action prennent le relais, ainsi que l’émotion. Campillo sait aussi faire éclater le cadre étroit du réalisme par l’irruption d’images mentales (la Seine rouge sang) ou des parallèles audacieux (l’étudiant en histoire pensant, en pleine phase terminale, à l’insurrection de 1848). On est frappé par la rapidité vigoureuse des interventions. Il faut être juste, court et fort, l’ennui est à proscrire.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Média

<em>120 Battements par minute</em>, R. Campillo - crédits : Celine Nieszawer/Les Films de Pierre/BBQ_DFY/ Aurimages

120 Battements par minute, R. Campillo