1904 2e Tour de France
La course
Après le succès populaire du premier Tour de France, la deuxième édition de l'épreuve est organisée selon un schéma similaire. Seules innovations : la catégorie « partiels » (permettant aux coureurs qui le souhaitent de disputer certaines étapes sans participer au Tour dans son entier) est supprimée ; des contrôles secrets, notamment durant les parcours de nuit, sont institués ; trois véhicules automobiles, affrétés par L'Auto, doivent permettre aux responsables de s'assurer de la régularité de la course. Le Français Maurice Garin, le tenant du titre, fait figure de favori ; d'autant que, bien que la course soit strictement individuelle, les principaux coureurs de la marque de cycles La Française semblent disposés à servir les intérêts de Maurice Garin, lui aussi équipé par La Française. Seul le Français Hippolyte Aucouturier, dit le « Terrible », équipé par Peugeot, est un rival sérieux.
Le départ de la première étape est repoussé à 20 h 30 – pour permettre au train de Géo Lefèvre d'arriver à Lyon avant les premiers concurrents. Maurice Garin force l'allure dès le début d'étape ; une trentaine de coureurs tentent de l'accompagner, mais Hippolyte Aucouturier se trouve rejeté à l'arrière : au contrôle de Briare (kilomètre 143), il compte 1 h 30 min de retard. Garin démarre à Nevers, en compagnie du Français Lucien Pothier ; les deux hommes de La Française se présentent ensemble à Lyon, où Garin s'impose. Aucouturier, treizième, accuse un retard de 2 h 30 min. Le Tour semble déjà joué.
De fait, sur la route, il l'est. Jamais Pothier ne tentera de contester la supériorité de Garin, selon l'accord tacite des concurrents de La Française. Aucouturier, de son côté, cherche les victoires d'étape (il en remporte quatre).
Le 24 juillet, Maurice Garin remporte son second Tour de France ; son acolyte Lucien Pothier est deuxième à 3 min 28 s ; César Garin, troisième à 1 h 51 min 13 s (les trois hommes sont équipés par La Française). Aucouturier se classe quatrième à 2 h 52 min 26 s. Le jeune Français Henri Cornet (vingt ans) est un anonyme cinquième, à 2 h 59 min 31 s du vainqueur.
Mais l'épreuve a été entachée d'irrégularités et d'incidents. Lors de la deuxième étape (Lyon-Marseille, 374 km), plusieurs coureurs, dont Garin et Pothier, ont été agressés par des spectateurs qui voulaient favoriser les desseins du Stéphanois Alfred Faure. Au cours de la troisième étape (Marseille-Toulouse, 424 km), à Nîmes, les concurrents sont de nouveau violemment pris à partie par le public. Si Maurice Garin peut se dégager sans dommages de la mêlée, d'autres coureurs doivent se battre avec les spectateurs. Le mécanicien de la première automobile de L'Auto menace la foule d'un revolver pour se frayer un chemin.
Sur la route, le déroulement de l'épreuve est également surprenant : certains coureurs, largement distancés, se retrouvent curieusement avec les hommes de tête quelques heures plus tard (il est manifeste qu'ils ont effectué une partie du parcours en automobile ou en train) ; les crevaisons se multiplient ; l'entente entre les coureurs de La Française est criante. Le jour de l'arrivée, les premiers mots de l'éditorial d'Henri Desgrange sont symptomatiques : « Le Tour de France est terminé et sa seconde édition aura, je le crains bien, été sa dernière. Il sera mort de son succès... »
Mais le « patron » du Tour ne songe pas à remettre en cause le classement. L'Union vélocipédique de France va s'en charger. Elle diligente une enquête. Le 2 décembre, son verdict tombe : douze coureurs, dont les quatre premiers, sont disqualifiés ; Maurice Garin est suspendu deux ans, Lucien Pothier est radié à vie. Quatre mois après la fin de l'épreuve, Henri Cornet, qui a néanmoins reçu un[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification