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1930 24e Tour de France

La course

Le déroulement du Tour de France 1929 avait profondément déçu Henri Desgrange. Pour lui, le Belge Maurice Dewaele ne s'était imposé que parce qu'il courait pour le compte de la puissante équipe Alcyon et qu'il avait, en outre, reçu l'aide illicite de ses compatriotes représentant d'autres marques de cycles. De plus, les échecs répétés des champions français depuis la victoire d'Henri Pélissier en 1923 commençaient à lasser le public, en ces temps où, en Coupe Davis, l'épopée des « Mousquetaires » du tennis passionnait la France. Il est devenu patent qu'il convient de modifier en profondeur la formule de l'épreuve, dont l'existence même semble menacée.

Le 25 septembre 1929, Henri Desgrange décrit dans L'Auto les grandes lignes de la vingt-quatrième édition du Tour de France. Celle-ci sera révolutionnaire. L'épreuve se disputera selon la formule des équipes nationales. Cinq formations de huit coureurs, sélectionnés par l'organisation, représenteront leur pays (France, Belgique, Italie, Espagne, Allemagne), le reste du peloton étant composé de touristes-routiers. Les vélos des coureurs des équipes nationales seront tous identiques, fournis par L'Auto et de couleur jaune. Néanmoins, Henri Desgrange, qui a jusque-là toujours soutenu l'idée d'une course « strictement individuelle », inscrit dans le règlement une disposition ambiguë : « La course restera individuelle, mais l'esprit d'équipe sera toléré. »

Avec ce système, Henri Desgrange pouvait craindre la réaction des marques de cycles, contraintes de s'effacer. En fait, ces dernières, touchées par la crise économique qui sévit en Europe, se réjouissent plutôt de voir l'organisateur du Tour prendre à sa charge tous les frais (vélos, hébergement, etc.). Pour financer l'épreuve, plusieurs mesures sont adoptées. La principale est la création de la caravane publicitaire, appelée à devenir un élément essentiel de la Grande Boucle au fil des ans ; le chocolat Menier, dont le chef de la publicité Paul Thévenin organise la distribution de bonnets et de tablettes avant le passage des coureurs, fournira la majorité des subsides. Par ailleurs, pour accueillir une étape, les villes devront désormais acquitter une redevance.

Pour représenter la France, l'organisation a retenu Marcel Bidot, Victor Fontan, André Leducq, Antonin Magne, Pierre Magne, Joseph Mauclair, Jules Merviel et Charles Pélissier. L'équipe d'Italie s'articule autour d'Alfredo Binda et Learco Guerra. Costante Girardengo n'est pas sélectionné, car, selon Desgrange, retenir Binda et Girardengo dans la même formation aurait rendu l'équipe d'Italie très supérieure à ses concurrentes. Pour la Belgique, Joseph Demuysère et Jean Aerts sont les éléments les plus en vue, car Desgrange a refusé que Maurice Dewaele soit sélectionné. L'Allemagne et l'Espagne présentent des formations de moindre qualité. Quant à Nicholas Frantz, seul Luxembourgeois du peloton, la nouvelle formule des équipes nationales lui interdit de fait de participer à l'épreuve.

Le début du Tour est dominé par les sprinters. Au cours de la septième étape (Bordeaux-Hendaye, 222 km), l'équipe de France déclenche une offensive : six de ses coureurs s'échappent, Jules Merviel s'impose ; si Learco Guerra (maillot jaune depuis la deuxième étape) et Joseph Demuysère ont réussi à les accompagner, Alfredo Binda a concédé 1 h 11 min. Binda remporte la huitième étape (Hendaye-Pau, 146 km), puis la neuvième (Pau-Luchon, 231 km), à l'issue de laquelle André Leducq prend le maillot jaune, avec 5 minutes d'avance sur Antonin Magne, 11 minutes sur Learco Guerra et 15 minutes sur Joseph Demuysère.

Le système des équipes nationales montre définitivement son intérêt lors[...]

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Écrit par

  • : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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