1969 56e Tour de France
La course
L'an passé, la formule des équipes nationales a montré ses limites. Le Tour de France en revient donc à la formule des groupes sportifs, définitivement cette fois. Le Belge Eddy Merckx a été récemment exclu du Giro à la suite d'un contrôle antidopage positif mené dans d'obscures conditions à Savone. La Fédération internationale de cyclisme professionnel ayant levé sa suspension, il se présente donc pour la première fois au départ du Tour. En favori pour beaucoup. Mais, si son hégémonie sur le cyclisme commence à se mettre en place, des doutes subsistent quant à sa capacité à remporter le Tour de France, et notamment en ce qui concerne ses possibilités en haute montagne, même s'il s'est adjugé le Giro en 1968. Ils vont être vite levés.
Dès la sixième étape (Mulhouse-Belfort, 133,5 km), Eddy Merckx prend le pouvoir. Il reste encore 40 kilomètres avant d'aborder le ballon d'Alsace quand le Belge porte son attaque ; en plaine comme dans l'ascension, son avance ne cesse d'augmenter ; au sommet, ses principaux rivaux ont concédé 4 min 30 s. Mais ils n'ont pas renoncé. Certes, Merckx remporte le premier tronçon de la huitième étape (un circuit de 8,8 km contre la montre autour de Divonne-les-Bains), mais le Français Roger Pingeon réussit à l'accompagner entre Thonon-les-Bains et Chamonix (neuvième étape, 111 km) et s'impose au sprint. Merckx gagne encore à Digne (onzième étape) et Revel (quinzième étape, 18,5 km contre la montre).
À la veille de la dernière étape pyrénéenne (dix-septième étape, Luchon - Mourenx-Ville-Nouvelle, 214,5 km), l'avance du Belge est confortable. Il peut se permettre de gérer la course. Il en ira tout autrement. Il passe en tête au sommet du Tourmalet, afin de consolider sa position de meilleur grimpeur, bascule dans la descente. L'arrivée est située à 130 kilomètres. Eddy Merckx se lance alors dans un incroyable raid solitaire. Son avance ne cesse de croître. Il franchit l'Aubisque avec 7 minutes d'avance, mais doit encore accomplir 50 kilomètres dans la plaine, sous la canicule, pour rallier l'arrivée. Malgré une petite baisse de régime dans les 15 derniers kilomètres, il relègue tous ses concurrents à 8 minutes et plus. Eddy Merckx aurait pu se contenter de remporter le Tour de France. Par cet exploit, il marque de son empreinte toute une génération de champions qui savent dès lors qu'ils devront subir son hégémonie des années durant. Eddy Merckx gagne encore la dernière étape (Créteil-Paris, 36,8 km contre la montre).
Eddy Merckx remporte le Tour dès sa première participation. Le deuxième, Roger Pingeon, est à 17 min 54 s, soit l'écart le plus important depuis la victoire de l'Italien Fausto Coppi en 1952. Le troisième, le Français Raymond Poulidor, est à plus de 22 minutes, et l'Italien Felice Gimondi, quatrième, à près d'une demi-heure. Seuls douze concurrents ont concédé moins d'une heure. Maillot jaune, maillot vert, classement du meilleur grimpeur, classement par équipes avec ses coéquipiers de la formation Faema, six victoires d'étape : Eddy Merckx a tout raflé. La légende du « Cannibale » vient de naître.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification