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1984, George Orwell Fiche de lecture

Une critique du totalitarisme

Goldstein, censé être l'ennemi numéro un de Big Brother, propose une lecture trotskiste de l'U.R.S.S. stalinienne : « Le Parti rejette et diffame tous les principes qui furent à l'origine du mouvement socialiste, mais il prétend agir au nom du socialisme. » Pour O'Brien, plus cynique, « le Parti recherche le pouvoir pour le pouvoir, exclusivement le pouvoir. Le bien des autres ne l'intéresse pas ». Grâce à ces deux interprétations, Orwell condamne tous les dogmes et les moyens qu'ils se donnent pour asseoir leur pouvoir.

En effet, dans cette société « schizophrène » où le mensonge est généralisé, la question linguistique est essentielle. Orwell lui consacre une annexe du roman. Big Brother a eu l'idée du « novlangue », une langue simplifiée, artificielle qui, avec son lexique normalisé, sa syntaxe appauvrie, interdit de penser la complexité, annihile l'esprit critique et rend informulable toute révolte. L'homme nouveau parle par slogans, son discours est un « caquetage ».

Avec les « deux minutes » et « la semaine de la Haine », Orwell montre comment on fanatise une population. Le bourrage de crâne produit une culture de guerre. On hait mieux quand on hait ensemble. Ainsi la peur se mue en rage. Canalisée, manipulée, elle atteint son « paroxysme », pour se fixer sur Goldstein, « l'ennemi du peuple », puis se retourner en amour de Big Brother.

Traduit en d'innombrables langues, 1984 est une dénonciation visionnaire mais désespérée de la société totalitaire. L'U.R.S.S. stalinienne et, après 1949, la Chine maoïste, la Corée du Nord, le Cambodge de l'Angkar ont ressemblé à l'Oceania. Orwell postulait l'indestructibilité de tels régimes. Il n'a jamais cru leur implosion possible.

— Jean yves GUÉRIN

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George Orwell - crédits : Ullstein Bild/ Getty Images

George Orwell