1999 4e Coupe du monde de rugby
L'organisation de la IVe Coupe du monde de rugby a été confiée au pays de Galles. Mais les rencontres se dérouleront dans l'ensemble des îles Britanniques et en France. Le rugby est officiellement devenu professionnel le 27 août 1995. Les nations majeures de l'hémisphère Sud (Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande) sont entrées de plain-pied dans l'ère du professionnalisme, en créant des compétitions attrayantes (Tri-Nations, Super 12), privilégiant dans un premier temps un jeu spectaculaire et offensif. Mais, à l'approche du rendez-vous majeur du calendrier rugbystique, l'enjeu semble désormais primer sur le jeu, et la rigueur défensive est devenue essentielle. Au Nord, seule l'Angleterre paraît en mesure de rivaliser avec les trois géants du Sud. À l'occasion de sa troisième édition, en 1995, la Coupe du monde de rugby semble avoir acquis son statut d'événement majeur du calendrier sportif, mais elle le doit beaucoup à l'image, chargée de symbole, de Nelson Mandela remettant le trophée du vainqueur à François Pienaar, le capitaine des Springboks. La principale fausse note de cette compétition demeure l'écart de niveau trop important qui existe entre les « grandes » et « petites » équipes. Or, curieusement, de manière démagogique, les dirigeants du rugby mondial ont porté le nombre des participants de seize à vingt. Ils ont de plus imaginé une formule alambiquée : les équipes sont réparties en cinq poules de quatre ; le premier est qualifié pour les quarts de finale ; les cinq deuxièmes et les deux meilleurs troisièmes disputent quant à eux des matchs de barrage afin de désigner les trois autres formations qualifiées.
Dans la poule A, l'Afrique du Sud, qui domine l'Écosse (46-29) le 3 octobre à Murrayfield, se qualifie. L'Écosse est deuxième et disputera un match de barrage ; l'Uruguay et l'Espagne ne constituaient que des faire-valoir.
L'affrontement entre l'Angleterre et la Nouvelle-Zélande, sommet de la poule B, le 9 octobre à Twickenham devant 75 000 spectateurs, constitue l'affiche la plus alléchante du premier tour. Un magnifique essai de Jonah Lomu (60e minute), qui bouscule plusieurs Anglais lors d'une course folle de 50 mètres, symbolise la domination des All Blacks sur les hommes à la rose (30-16). Le Sud se montre donc encore supérieur au Nord. L'Italie, écrasée par la Nouvelle-Zélande (101-3), et le Tonga, humilié par l'Angleterre (101-10), disparaissent de la compétition.
L'équipe de France, désormais entraînée par Jean-Claude Skrela, épaulé par Pierre Villepreux, et dont Jo Maso est le manager général, évolue dans la poule C, en compagnie d'adversaires modestes. Néanmoins, l'optimisme n'est pas de mise chez les Tricolores, qui ont terminé derniers du Tournoi des cinq nations au printemps et ont subi deux défaites cuisantes face à la Nouvelle-Zélande en juin (24-45, puis 7-54). Le 2 octobre, à Béziers, la victoire de la France face au Canada (33-20) ne peut rassurer ses supporters. Le 8 octobre, à Bordeaux, les Tricolores proposent un jeu brouillon face aux modestes Namibiens, mais obtiennent un deuxième succès (47-13). Le 16 octobre à Toulouse, la difficile victoire face aux Fidji (28-19) assure certes au XV de France la première place, mais ne permet pas de lever les doutes. Les Fidji joueront les barrages.
Le pays de Galles prend la première place de la poule D, malgré une défaite face aux Samoa (31-38) le 14 octobre au Millennium Stadium de Cardiff, devant 72 000 spectateurs médusés. La curieuse formule de la compétition montre ses travers à l'occasion du dernier match du groupe : Argentine-Japon, le 16 octobre à Cardiff. Pour les Pumas sud-américains, les données sont limpides : s'ils s'imposent en inscrivant 48 points, ils termineront deuxièmes et iront à Twickenham disputer un match de barrage face à l'Angleterre, avec une défaite plus que prévisible à la clé ; un score plus modeste, ils ne se classeront que troisièmes, et devront affronter l'Irlande à Lens, ce qui les autorisera à nourrir quelques ambitions. L'Argentine bat le Japon 33 points à 12 et se mesurera donc à l'Irlande en barrage.
Les Australiens, vainqueurs des Irlandais (23-3) le 10 octobre au stade de Lansdowne Road à Dublin, terminent premiers de la poule E, devant ces mêmes Irlandais. Quant à la rencontre États-Unis-Roumanie, elle n'a attiré que 2 581 spectateurs le 9 octobre à Dublin, une assistance indigne d'un match de « Coupe du monde » : une autre carence de la compétition est ainsi mise au jour.
Barrages. L'Angleterre écarte les Fidji (45-24) le 20 octobre à Twickenham. L'Écosse se qualifie aux dépens des Samoa le même jour à Murrayfield (35-20). Le 20 toujours, à Lens, l'Irlande, de manière inattendue, s'incline face à l'Argentine (24-28).
Quarts de finale. Le 23 octobre, au Millennium Stadium de Cardiff, l'Australie, sûre de son jeu, élimine le pays de Galles (24-9). Pour affronter l'Afrique du Sud le 24 octobre au Stade de France, l'Angleterre se prive curieusement de son jeune et brillant demi d'ouverture Jonny Wilkinson (vingt ans), les sélectionneurs préférant le jeu au pied plus assuré de Paul Grayson. Ce manque d'ambition vaut aux Anglais une élimination prématurée, les Sud-Africains, dont le demi d'ouverture Jannie De Beer passe cinq drops, se révélant supérieurs dans cette forme de jeu étriquée (44-21). Le même jour, la Nouvelle-Zélande élimine l'Écosse à Murrayfield (30-18). Le 24 toujours, le XV de France est opposé à l'Argentine à Dublin. Le jeu des Tricolores prend un peu d'envergure et de consistance, leur permettant de se qualifier (47-26).
Demi-finales. Le 30 octobre à Twickenham, la rencontre Australie-Afrique du Sud se résume à un affrontement entre avants et à un duel de buteurs : 18-18 à la fin du temps réglementaire, 27-21 finalement pour l'Australie à l'issue de la prolongation (huit pénalités de Matthew Burke et un drop de Stephen Larkham pour les Wallabies ; six pénalités et un drop de Jannie De Beer pour les Springboks). Le 31, à Twickenham, la France semble une proie facile pour la Nouvelle-Zélande. Les Tricolores entament bien la rencontre et mènent 10-9 vingt minutes après le début du match ; mais Jonah Lomu fait parler sa puissance, inscrit deux essais (24e et 45e minutes) et les All Blacks se détachent (24-10). Christophe Lamaison réussit deux drops (47eet 49e minutes) ; sur un coup de pied à suivre de Fabien Galthié, Christophe Dominici marque un essai en mystifiant Jeff Wilson (56e minute), ce qui sonne la révolte des trois-quarts français ; Richard Dourthe (60e minute), Philippe Bernat-Salles (75e minute) franchissent également la ligne d'essai néo-zélandaise. En moins d'une demi-heure, les Français ont inscrit 33 points, contre aucun pour les Néo-Zélandais. Un pack soudé autour du talonneur et capitaine Raphaël Ibanez et d'Abdelatif Benazzi, revenu à son meilleur niveau, Fabien Galthié parfait dans son rôle de demi de mêlée, le buteur Christophe Lamaison en réussite : devant 72 000 spectateurs, les Tricolores viennent de causer la plus grande sensation de cette Coupe du monde et d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du rugby français ; les All Blacks, grands favoris de la compétition, sont éliminés (43-31).
Le 4 novembre à Cardiff, les All Blacks, sans motivation, laissent la troisième place aux Springboks (22-18). Le 6 novembre au Millennium Stadium de Cardiff, la finale oppose donc, devant 72 500 spectateurs, l'Australie à la France. Les Wallabies mettent en œuvre la même tactique qu'ils ont utilisée durant toute la compétition : ils se montrent intraitables sur le plan défensif, occupent le camp des Français, qui sont contraints de commettre des fautes, Matthew Burke convertissant les pénalités consécutives. À la pause, le score est de 12 points à 6 en faveur de l'Australie, mais les Tricolores ne se font plus guère d'illusions ; les Wallabies inscrivent deux essais en seconde période (Ben Tune et Owen Finegan). L'Australie remporte la IVe Coupe du monde sans émoi (35-12). John Eales, l'exemplaire deuxième ligne et capitaine australien, reçoit la coupe William-Webb-Ellis des mains de la reine Élisabeth II.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs