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2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE, film de Stanley Kubrick

Un film expérimental à très gros budget

La forme du film – un enchaînement de sections presque autonomes où les personnages se renouvellent –, les nombreuses ellipses ou phénomènes visuels et sonores non expliqués, la séquence presque abstraite du « voyage au-delà de l'infini » ; tout manifeste le désir du réalisateur de réinventer un cinéma pur où musique, formes visuelles, mouvements, proposent des associations sans les expliquer, mettant le spectateur dans la même situation que ses personnages – singes ou humains – face à l'inconnu.

Le film est plus ancré dans son époque qu'il n'y paraît : obsession paranoïaque de la surveillance (les Russes et les Américains – puisque l'œuvre postule un monde toujours bipolarisé – continuent d'avoir des relations polies et suspicieuses), division du territoire spatial en deux zones d'influence, goût d'un cinéma froid et laconique. Par ailleurs, le voyage de Dave vers Jupiter reflète l'attrait des années 1960 pour les morceaux de bravoure op art. De même, la lenteur rituelle de certaines actions accomplies en silence est typique du cinéma de l'époque, comme le début d'Il était une fois dans l'Ouest(Once upon a Time in West, 1968), de Sergio Leone.

Le monolithe noir est le seul « personnage » qui unit les quatre parties du film : or, semblable à un miroir opaque qui absorbe la lumière et ne renvoie rien, ce monolithe est muet, inexpliqué. À l'autre extrême, dans la partie la plus classiquement dramatique du film, à bord du Discovery, c'est un ordinateur programmé pour exprimer des émotions qui invoque sa peur et nous touche de manière déchirante lorsqu'il supplie Dave de ne pas le déconnecter. A contrario, les personnages humains du film sont volontairement inexpressifs, lisses, fades : on les voit manger, dormir, dotés d'une famille, et une scène évoque même le problème des « besoins naturels » en apesanteur. Seule, la sexualité est éludée et les personnages féminins très épisodiques.

Pour la première fois, une musique classique, la valse du Beau Danube bleu, se trouvait associée à un monde futuriste. Ce choix paradoxal frappa par son évidence et son efficacité et permit, comme au temps du cinéma muet, de structurer une scène.

Œuvre fréquemment classée dans les palmarès du cinéma, 2001 servira de référence pour beaucoup de films ultérieurs, aussi bien pour ceux qui voudront en prendre le contre-pied (et évoquer un monde du futur sale et déglingué alors que celui de 2001 est propre et fonctionnel), que pour ceux qui voudront rivaliser avec sa symphonie de lumières, comme par exemple : Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind, 1977), de Steven Spielberg, ou The Abyss, 1989, de James Cameron.

— Michel CHION

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

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Média

<it>2001, l'Odyssée de l'espace</it>, S. Kubrick - crédits : Movie Poster Image Art/ Getty Images

2001, l'Odyssée de l'espace, S. Kubrick

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