À L'AMI QUI NE M'A PAS SAUVÉ LA VIE, Hervé Guibert Fiche de lecture
« Moi, pauvre petit Guibert »
Guibert évoque également la mort – foudroyante, elle – de Michel Foucault, « cet ami irremplaçable », baptisé ici Muzil, en hommage sans doute à Georges Dumézil, qui compta parmi les plus proches amis de Michel Foucault. Et si Guibert se permet d'écrire la mort de son ami, puis de la livrer au public, c'est sous l'impulsion d'une sorte de vision, ou de vertige, qui lui fait percevoir que ce n'est pas tant l'agonie de son ami qu'il est en train de décrire que l'agonie qui l'attend, et qui sera identique. L'amitié, autre thème qui court tout au long du livre et le charpente, c'est pour Guibert « être ensemble », être proches jusque dans la mort. Quant à ceux qui connaissent un autre sort, qui se rangent, en somme, du côté des vivants, ils sont vite considérés par l'auteur comme des traîtres. Ainsi de Bill, cet « ami » qui donne son titre au livre : responsable d'un grand laboratoire pharmaceutique américain, il a eu la possibilité d'injecter un vaccin à Guibert, mais il ne l'a pas fait et s'est réfugié lâchement dans le silence, le mensonge.
Chaque livre d'Hervé Guibert est habité par la présence d'un écrivain fantôme qui joue de son influence de manière diffuse : après Roland Barthes, Peter Handke ou Eugène Savitzkaya, c'est à Thomas Bernhard qu'incombe, dans À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, ce rôle de « frère d'écriture ». Ce mimétisme n'apparaît pas continûment, mais par vagues. Guibert le compare aux poussées de fièvre que provoque la progression du virus dans son corps, et note, avec une certaine ironie : « Je fourbissais mes armes pour égaler le maître contemporain, moi pauvre petit Guibert, ex-maître du monde qui avait trouvé plus fort que lui et avec le sida et avec Thomas Bernhard. »
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- François POIRIÉ : écrivain, critique littéraire à France-Culture
Classification
Média