À LA MORT, À LA VIE ! VANITÉS D'HIER ET D'AUJOURD'HUI (exposition)
Du 27 novembre 2021 au 7 mai 2022, le musée des Beaux-Arts de Lyon a présenté sous le commissariat de Ludmila Virassamynaïken, conservatrice en chef du patrimoine, une exposition intitulée À la mort, à la vie ! Vanités d’hier et d’aujourd’hui, dont l’originalité principale résidait dans la confrontation d’œuvres anciennes de son propre fonds à des créations issues des collections du musée d’art contemporain de Lyon et de prêts d’un couple de collectionneurs, Brigitte et Jacques Gairard. Quelque cent soixante estampes, gravures, dessins, peintures, sculptures et installations invitaient le visiteur à redécouvrir le thème des « vanités », très présent dans la peinture occidentale, principalement du xve au xviie siècle. Ce thème se réfère à un passage de l’Ecclésiaste (1:2) qui invite chacun à considérer le peu de réalité que représentent les séductions de la vie terrestre.
Le récit allégorique
De manière tout à fait pertinente, l’exposition s’ouvrait sur une évocation de deux thèmes liés à la Grande Peste : les danses macabres représentées sur les murs des cimetières et des couvents, et le « triomphe de la mort », inauguré par Pietro Lorenzetti à Sienne en 1348, chanté par Pétrarque dans les poèmes allégoriques des Triomphes, commencés en 1338 et repris dix ans après la mort de Laure, son inspiratrice, emportée par l’épidémie en 1348. La même hantise se retrouve en France, en pleine guerre de Cent Ans, dans le Testament de François Villon. Des gravures de squelettes, pourvues de sentences morales, et révélatrices des progrès de l’anatomie, une Procession macabre (vers 1619) d’Hendrick Hondius l’Ancien, Le Triomphe de la Mort (vers 1539) de Georg Pencz, illustraient cette émergence de la figure de la mort comme allégorie, avec en contrepoint la suite polémique de lithographies Le Socialisme, nouvelle danse des morts (1849-1850), d’après Alfred Rethel, des eaux-fortes de Charles Sénard, des œuvres expressionnistes d’Armand Avril et d’Erró, et des sculptures du Nigeria (peuple tiv?), qui venaient souligner la pérennité et l’universalité du sujet.
Une section articulait ensuite le thème de la vanité avec celui des âges de la vie : de Dürer (La Promenade, gravure sur cuivre, vers 1498) à Rembrandt (Le Jeune Couple et la Mort, eau-forte, 1639), les amoureux sont guettés par la mort, de même que la michelangelesque Femme à sa toilette du monogrammiste M (burin, xvie siècle). L’interrogation sur le bon emploi de chaque étape de la vie est aussi explorée par les artistes (Cornelis Jacobsz. Schaeck, Intérieur de savetier, huile sur bois, xviie siècle) tandis que la Femme âgée avec un livre dans un intérieur (huile sur bois, vers 1620-1630)d’Hendrick Gerritsz. Pot semble, sans regarder le sablier posé à sa droite, méditer sur le fil de son existence et le temps qu’il lui reste ici-bas. En contrepoint, cette thématique a été reprise pour Faces, vieillards et nourrissons de Philippe Bazin (50 tirages photographiques, 1985-1988).
Dans la section intitulée « Fragile jeunesse », Vanité (burin, après 1594), reprenant un motif du grand maniériste flamand Hendrick Goltzius, montre un enfant le bras posé sur un crâne, combinaison saisissante qui souligne la brièveté de la vie, ce qui vaut aussi pour les représentations d’enfants jouant à faire des bulles de savon, en écho à la devise Est homo bulla (« L’homme est une bulle ») formulée par les auteurs latins Varron et Lucain, et qu’Érasme reprendra dans ses Adages. Dans cette section, les rapprochements avec des œuvres d’art contemporain se révélaient particulièrement justifiés et efficaces : ainsi de la confrontation entre Jeune homme tenant un crâne (burin, 1519) de Lucas de Leyde et Cemetery Youth (assemblage de 15 photographies, 1980) de Gilbert & George.
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Média