À LA MORT, À LA VIE ! VANITÉS D'HIER ET D'AUJOURD'HUI (exposition)
La nature morte, un espace de méditation
À partir du xve siècle, c’est de la représentation du crâne que naît progressivement le genre de nature morte (ou « vie silencieuse ») qui va prendre le nom de Vanité. La méditation chrétienne sur la brièveté de la vie, le memento mori (« souviens-toi que tu vas mourir »), et la nécessité d’œuvrer pour le salut de l’âme donnent lieu, autour de cet emblème macabre, à toutes sortes de déclinaisons à travers des compositions qui dénoncent le caractère futile des plaisirs terrestres et des entreprises humaines, y compris des sciences et des arts, ainsi que des fruits de la Création divine elle-même. Genre à tous égards ambigu puisqu’il dénonce la fragilité de ce qu’il s’applique à représenter avec brio. Outre les natures mortes proprement dites comme celle attribuée à Simon Renard de Saint-André (Vanité, huile sur toile, vers 1650), pâle exemple à dire vrai d’une production européenne particulièrement riche et diverse, l’exposition s’arrêtait sur certains motifs qui connurent au xviie siècle une belle fortune : les saints en méditation comme Marie-Madeleine et saint Jérôme, reclus dans l’espace de leur chambre ou livrés au « désert », la fumée des tabagies, image explicite de la fragilité des apparences, et la beauté éphémère des fleurs, avec, pour ce qui concerne les tulipes, le supplément de vanité que constitua la spéculation effrénée dont cette plante fit l’objet aux Pays-Bas. Mais si le Bœuf écorché (1655) de Rembrandt est assurément une allusion à la Passion du Christ (une humanité que l’on retrouvera chez Soutine, absent ici, puis chez Bacon), les animaux morts suspendus au garde-manger d’un Chardin semblent ne plus affirmer, au siècle des Lumières, que les prestiges de la peinture. S’il fallait rechercher dans ce parcours une continuité d’inspiration avec les vanités baroques, c’est dans les crânes qui continuent d’obséder les artistes jusqu’à nos jours (de Ribot et Cézanne à Philippe Cognée et Jim Dine) et dans l’effroi des sorciers africains que l’exposition réussissait le mieux sa démonstration.
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Média