ABADAN
Ville du Khouzistan (Khūzistān) en Iran, Abadan (Ābādān) s'est développée autour de la raffinerie construite de 1910 à 1913, après la découverte des champs pétrolifères du Khouzistan ; elle occupe une île alluviale, d'une superficie de 270 kilomètres carrés, entre le Chaṭṭ al-‘Arab et le Bahmanchir, émissaire du Kārūn. La commodité des liaisons vers l'intérieur par le Kārūn, navigable jusqu'à Ahwāz, et la proximité du port de Khorramchar (Khurramchāhr) expliquent ce choix. Dans un premier stade, le développement de la ville est fonction de l'activité de la raffinerie qui emploie 25 000 personnes, en 1943, pour une population de 100 000 habitants. Mais, dans les phases ultérieures, la progression de la ville devient indépendante d'une activité qui stagne. En 1956, la population atteint 226 000 habitants : 27 700 personnes sont employées à la raffinerie qui n'occupe plus que 55 p. 100 de la population active de l'agglomération. Centre d'attraction pour l'exode rural des montagnards du Kurdistān et même du Fārs, Abadan exerce son influence, à cette époque, jusqu'au voisinage d'Ispahan (Isfahān). L'arrêt de la croissance de la raffinerie (capacité : 21 Mt) et la disparition des activités portuaires d'exportation ont considérablement ralenti, dans une troisième phase, le développement de la cité. Les produits finis de la raffinerie, d'abord exportés par Abadan, le sont ensuite par le port de Bandar Machour, et les exportations de brut ont été transférées à ce dernier, puis à Kharg en 1966.
Avant la guerre entre l'Iran et l'Irak (1980-1988), qui a partiellement détruit la ville, celle-ci avait une physionomie composite ; elle associait des éléments planifiés directement liés à la raffinerie et des zones de développement spontané. Les quartiers résidentiels étaient occupés par le personnel de la raffinerie ; ils présentaient un aspect moderne et une conception systématique, mais les niveaux sociaux étaient strictement délimités : cités ouvrières au nord-est, vers le Bahmanchir ; quartiers de cadres moyens et supérieurs du côté du Chaṭṭ al-‘Arab, les quartiers du Bazar ou d'Abadan-ville, au sud près du Chaṭṭ al-‘Arab, le vaste quartier pauvre d'Ahmadābad, à l'est du Bazar, présentaient un aspect totalement anarchique, un type d'habitat traditionnel, une densité plus forte et un équipement urbain sommaire. Avec les bidonvilles, par ailleurs très rares en Iran, ils soulignaient la phase d'afflux incontrôlé de la population rurale. De grandes places et des faisceaux infranchissables de conduits de produits pétroliers créaient de profondes coupures du tissu urbain et réduisaient au minimum les relations entre les quartiers. Cette structure diffèrait de la charpente traditionnelle très soudée des villes islamiques iraniennes et exprimait l'implantation de toutes pièces d'un îlot industriel par une grande société capitaliste étrangère. La création de l'Anglo-Iranian Oil Company, parfois qualifiée de ville coloniale, constituait, en Iran, un phénomène urbain tout à fait exceptionnel.
Après la guerre, l'Iran reprend le raffinage du pétrole à Abadan, à une moindre échelle, dans de nouvelles installations. La réouverture du port a eu lieu en 1993 et la ville, qui comptait 219 000 habitants lors du recensement de 2006, est encore en reconstruction.
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Écrit par
- Xavier de PLANHOL : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Academia Europaea
Classification
Médias
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