ABBAYE
L'abbaye est un monastère gouverné par un abbé (lat. abbas, du syriaque abba = père), peuplé de moines ou de chanoines réguliers. (Les abbayes de moniales sont gouvernées par une abbesse.) Parmi les premiers, les trois familles essentielles sont actuellement celles des bénédictins, des cisterciens et des chartreux – bien que ceux-ci n'aient ni abbaye ni abbé stricto sensu – auxquelles s'ajoutaient jadis celles des grandmontains et des fontevristes. Parmi les seconds dominent numériquement les chanoines de Saint-Augustin et ceux de Prémontré.
Les abbayes remontent au ive siècle et se sont développées, comme le monachisme, d'abord en Orient, puis en Occident ; elles se multiplièrent surtout jusqu'au xiiie siècle, où elles étaient au nombre de plusieurs milliers dans la chrétienté romaine. Après des phases de déclin et de renouveau, les abbayes sont, de nos jours, près de quatre cents, la plupart en Europe, mais l'Amérique, l'Afrique, l'Asie et l'Océanie en comptent un certain nombre.
Une abbaye médiévale : la Chaise-Dieu
Pour faire connaissance avec une abbaye de la grande époque monastique, qui est incontestablement le Moyen Âge, un bon exemple est celui de l'abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu (Casa Dei, « La maison de Dieu ») en Auvergne. Elle avait été établie, de 1043 à 1050, sur le plateau du Livradois, par le fils d'un chevalier auvergnat, Robert de Turlande, entouré de quelques disciples. Elle prit rapidement une grande importance, attirant d'une part les religieux, moines dans l'abbaye, d'autre part, autour de celle-ci des laïcs, les uns « familiers » du monastère, les autres paysans, artisans, voire marchands, plus tard des hommes de loi, le tout constituant le bourg qui, comme pour la plupart des fondations bénédictines, vint se former aux portes de l'abbaye. Nombreux étaient les moines : environ 300 du xie au xiiie siècle, ce qui permit de nombreuses fondations, puis une centaine jusqu'au xve siècle, vivant dans une sorte de cité assez hétéroclite, car si le plan primitif des monastères était simple et rationnel, au fil des siècles il se compliquait. Autour de la « maison de Dieu » était une enceinte percée de portes, dominée par des tours de garde qui affirmaient qu'une abbaye était aussi une puissance temporelle. Dans un espace de deux hectares se pressaient l'église – une magnifique construction gothique, toujours admirée, ayant remplacé au xive siècle l'ancienne abbatiale romane – le cloître, autour duquel s'ordonnaient les bâtiments monastiques : dortoir, réfectoire, infirmerie, librairie, chambrerie, salle capitulaire, logis de l'abbé, sans oublier, placées près d'une porte, l'aumônerie, très importante selon la volonté du fondateur, faisant de l'abbaye le point de ralliement des miséreux et des « économiquement faibles » de l'époque (de 4 000 à 5 000 assistés dans l'année), et l'hôtellerie, partout nécessaire aux voyageurs, indispensable sur ce plateau où le tombeau de saint Robert attirait les pèlerins.
La Chaise-Dieu, abbaye bénédictine comme Cluny, était fameuse par sa stricte régularité – « le moindre relâchement étant (selon un chroniqueur) considéré comme un crime » –, son austérité renforcée par le climat, des plus rudes, une grande exactitude « à chanter la louange divine et à célébrer avec magnificence les offices divins », un certain penchant à la contemplation, tout cela découlant de la règle de saint Benoît dont les prescriptions rythmaient la vie monastique. Tout y obéissait à l'abbé, aidé, dans le gouvernement, par quelques auxiliaires, dignitaires chargés de la direction des moines, tels le grand prieur et le doyen, « officiers » commis à un service spécialisé : hôtellerie, infirmerie, sacristie, ouvrerie, aumônerie, chantrerie et cellérerie.[...]
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Écrit par
- Pierre-Roger GAUSSIN : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines de Lyon, directeur du Collège littéraire universitaire de Saint-Étienne
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Médias
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