CAEN ABBAYE-AUX-HOMMES & ABBAYE-AUX-DAMES DE
L'origine de l'Abbaye-aux-Hommes est liée au mariage du duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, avec une parente, Mathilde de Flandre ; mariage qui fut condamné par le pape en 1053. Sous l'influence de Lanfranc de Pavie, écolâtre du Bec-Hellouin, les sentences canoniques furent levées en 1059 et le duc et sa femme s'engagèrent à fonder chacun une abbaye, en signe de contrition. La Sainte-Trinité ou Abbaye-aux-Dames, fondée entre 1059 et 1065, est consacrée en 1066, tandis que Saint-Étienne ou Abbaye-aux-Hommes, fondée vers 1063 à l'extérieur de Caen, est consacrée le 13 septembre 1077 en présence de Lanfranc, devenu archevêque de Canterbury. Les deux églises abbatiales renferment respectivement les sépultures de la reine Mathilde et de Guillaume le Conquérant. Dévastée lors des guerres de Religion, l'église de l'Abbaye-aux-Hommes était dans un état de délabrement tel que la tour-lanterne de la croisée du transept s'effondra et endommagea le chœur dont la restauration fut menée entre 1599 et 1604. En 1663, la réforme des bénédictins de Saint-Maur fut introduite à l'Abbaye-aux-Hommes et, dès 1704, la reconstruction des bâtiments conventuels fut faite sur les plans de dom Guillaume de La Tremblaye, architecte de la congrégation, qui dirigea aussi des travaux au Bec-Hellouin, à Saint-Vincent du Mans, à Saint-Laumer de Blois, etc. La communauté monastique fut supprimée en 1790-1791 et l'église Saint-Étienne devint paroissiale. Les bâtiments monastiques, qui abritèrent de 1802 à 1959 un lycée, sont occupés à l'heure actuelle par l'hôtel de ville.
L'église se compose d'une nef à trois vaisseaux longs de huit travées, d'un transept saillant peu large, d'un chœur gothique très profond doté d'une abside, d'un déambulatoire et de sept chapelles rayonnantes. La façade harmonique tripartite est d'une symétrie parfaite, creusée de plusieurs baies et surmontée de deux tours quadrangulaires coiffées de flèches. Cette façade est à rapprocher de celle de l'Abbaye-aux-Dames, dont les tours ont perdu leurs terminaisons. Le vaisseau central de la nef de Saint-Étienne, long et haut sous voûte, présente une élévation à trois étages : grandes arcades en plein cintre perçant le mur épais, tribunes voûtées ouvrant sur la nef centrale par des arcades semblables à celles du premier niveau, fenêtres hautes. Il est couvert de voûtes d'ogives sexpartites, assez fréquentes dans l'architecture anglo-normande, mais qui furent posées au début du xiie siècle en remplacement d'une charpente. La beauté de cette nef centrale bordée de collatéraux, voûtés d'ogives au xve siècle, réside dans la grande sobriété de la décoration, la netteté des retombées de voûtes, la grande ouverture des baies, l'adoption de la technique constructive du mur épais qui crée, au niveau des fenêtres hautes, un passage intérieur situé en avant des baies et qui donne une impression de profondeur et de dédoublement du mur. Au fond de chaque bras du transept, qui présente la même élévation, une tribune non voûtée assure le passage des tribunes de la nef avec celles du chœur, comme cela se voit dans les églises de Jumièges, de Cerisy-la-Forêt et de Saint-Martin de Boscherville, toutes en Normandie. À la croisée se trouve placée une tour-lanterne dont la base est quadrangulaire, ornée d'arcatures aveugles comme sur les tours de façade, et qui s'achève par un polygone construit postérieurement. Le chœur gothique élevé au début du xiiie siècle sur l'emplacement d'un chœur roman échelonné, dont l'abside centrale plus importante ne possédait ni déambulatoire ni chapelles rayonnantes, semblable en cela à celui de la Trinité, est aussi à trois niveaux ; il est vraisemblable que le maître d'œuvre du xiiie siècle a[...]
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Écrit par
- Maryse BIDEAULT : chargée de cours à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias