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EINSIEDELN ABBAYE D'

Située dans le canton de Schwyz, près de la petite ville du même nom (10 000 hab.), au pied du massif des Mythen, l'abbaye d'Einsiedeln est un des hauts lieux du catholicisme suisse. Après les invasions germaniques qui, à partir du ve siècle, submergent le monde celto-romain, détruisant l'organisation ecclésiastique qui s'était établie au cours du ive siècle, les régions alémaniques sont, peu à peu, rechristianisées et, dans les régions les plus reculées, évangélisées. Le mouvement part du lac de Constance et des pays rhénans. Les monastères, comme celui de Saint-Gall, fondé en 720, jouent un rôle fondamental dans cette propagation de la foi. À côté des évêchés, les abbayes deviennent des puissances territoriales féodales, des foyers de civilisation et de culture. Saint Meinrad, venu de Reichenau, maison bénédictine créée dans une île du Rhin en 724, s'établit comme ermite, dès 828, dans les parages d'Einsiedeln. Le 21 janvier 861, il y est massacré par des bandits. Le souvenir de ses vertus demeure et, au début du xe siècle, l'ancien ermitage est réoccupé par Bennon, chanoine de Strasbourg, bientôt suivi par le prévôt du chapitre, Eberhard. Une petite communauté se forme, qui embrasse la règle de saint Benoît. Le 24 octobre 947, l'empereur Othon reconnaît le monastère, lui attribue l'immunité et confère aux abbés la dignité de princes d'Empire. Avec sa femme Adélaïde, et imité ensuite par Henri II et le duc Hermann de Souabe, il comble l'abbaye de donations. Einsiedeln brille d'un vif éclat, aux xe et xie siècles, et son influence rayonne sur l'Allemagne méridionale. Dès le xive siècle, son pèlerinage attire les foules. Mais la fin du Moyen Âge est une époque de déclin : relâchement de l'observance par les religieux, qui ne peuvent se recruter que dans la haute noblesse ; conflit de deux cent cinquante ans avec le canton de Schwyz, qui finit par s'emparer de la moitié des biens monastiques ; tutelle temporelle des avoués impériaux et tutelle spirituelle de l'évêque de Constance. En 1525, l'abbé Diebold de Gerolseck passe à la Réforme. Schwyz, qui n'a pas adhéré au protestantisme, obtient l'avouerie impériale et intervient dans la réorganisation de la maison à laquelle le prince-abbé Joachim Eichhorn (1544-1569) redonne son ancienne splendeur. Pillé en 1798 par les troupes françaises, supprimé pendant la République helvétique, Einsiedeln est rendu aux bénédictins en 1803. Le monastère qui, après un long litige avec l'évêque de Constance, a obtenu son autonomie en 1784, ne relève plus d'aucun diocèse. C'est un centre d'enseignement humaniste réputé : autour de son collège, ouvert après la Révolution, la maison fonde un grand nombre de filiales, jusqu'en Amérique, et exerce son autorité sur beaucoup de paroisses en Suisse. Son pèlerinage, le 14 septembre, est toujours l'un des plus fréquentés d'Europe.

C'est au début du xviiie siècle que le monastère fut rebâti sur les plans de Caspar Moosbrugger, lequel donna également les dessins de l'église. C'est là un édifice singulier qui répond à un schéma que l'on pourrait appeler télescopique : l'espace va en effet se rétrécissant depuis l'entrée jusqu'au chœur. On est accueilli par un vaste octogone, au milieu duquel s'élève l'autel qui renferme la statue miraculeuse ; cet autel constitue une sorte de pilier central autour duquel se déploie la voûte annulaire qui couvre l'octogone. Suivent deux travées de nef plus étroites, avec bas-côtés, et enfin trois travées de chœur plus étroites encore. Des tribunes courent à mi-hauteur de l'ensemble, soutenues par de grandes arcades. On a donc affaire à un espace organisé d'une manière extrêmement complexe où, au lieu de se trouver attiré de l'entrée vers le fond du sanctuaire, on est[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris

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