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‘ABD AL-ḤAMĪD IBN YAḤYĀ (VIIIe s.)

‘Abd al-Ḥamīd et le genre de l'épître

Natif des bords de l'Euphrate, il n'est sans doute pas d'origine arabe, mais client d'une famille apparentée à la tribu du prophète Muḥammad. Il aurait débuté comme maître d'école itinérant avant d'entrer dans l'administration omeyyade. Il y conquiert une place de premier plan sous le dernier calife de cette dynastie, Marwān ibn Muḥammad (744-749). Lorsque les ‘Abbāsides balayent les Omeyyades, il semble avoir partagé leur sort et avoir été exécuté en 750 (132 de l'hégire) au cours de la fuite des derniers survivants de la dynastie en Égypte. On lui connaît dans ce pays des descendants qui joueront un rôle dans l'administration ṭūlūnide.

‘Abd al-Ḥamīd est le fondateur du genre épistolaire en arabe.

Il faut distinguer deux sortes d' épîtres (risāla ; pluriel, rasā'il) :

– les pièces de chancellerie proprement dites, celles qui – de façon plus ou moins authentique – entrent dans la catégorie des documents d'archives ;

– les épîtres littéraires qui sont composées, en général, dans un but didactique et véhiculent les principes d'une éthique qui s'incorporera à la tradition arabo-islamique.

Les écrits de ‘Abd al-Ḥamīd comprennent quelques pièces de chancellerie et lettres privées. Ces documents sont rédigés en prose rimée (sadj‘) et, par leur style recherché et parfois obscur, n'ont aucun des caractères de la correspondance administrative telle que nous la concevons. C'est pourtant ce style qui l'emportera définitivement dans l'administration des pays arabes, notamment lorsqu'il aura été brillamment illustré par de hauts fonctionnaires épistoliers au xe siècle (Sāḥib ibn ‘Abbād, Ibn al-‘Amid, Badī‘ al-Zaṁān al-Hamad-hānī), au point qu'il caractérise la totalité des pièces d'archives des pays arabo-islamiques jusqu'à une époque relativement récente.

Les épîtres ayant plus spécialement un caractère littéraire ne diffèrent guère des précédentes par leur style. Elles ont pour particularité de faire passer en arabe, sans doute pour la première fois, les éléments d'une éthique individuelle et sociale héritée des traditions antérieures, mais revêtus d'un vernis islamique. C'est ainsi que la longue épître adressée à ‘Abd Allāh, fils du calife Marwān, accumule des conseils de conduite privée, d'étiquette et d'art militaire. D'inspiration plus nettement pédagogique encore est l'Épître aux Secrétaires, rédigée dans une langue plus simple et plus fluide. C'est le premier exemple attesté d'un genre qui fleurira dans la littérature arabe, au point de tourner rapidement au poncif, mais qui sera d'autre part le noyau de la littérature à la fois didactique et récréative dite « littérature d' adab » : le genre de l'adab al-kuttāb, ou du « manuel du parfait secrétaire ». Ce genre trouve sa justification dans l'incontestable impréparation – d'un point de vue arabe et islamique s'entend – du personnel administratif, le plus souvent non arabe et non musulman, hérité des régimes précédents. Les règles de l'administration sassanide, mais aussi les méthodes militaires byzantines, inspirent nettement cette épître de ‘Abd al-Ḥamīd, et s'incorporent ainsi à la nouvelle éthique du monde islamique sédentaire en gestation.

L'influence de ‘Abd al-Ḥamīd en qualité d'épistolier, dans le domaine du style, se fera sentir dans la prose de chancellerie de toutes les époques. Pour ce qui est plus précisément de son influence sur la littérature d'adab, les idées qu'il véhicule, par l'intermédiaire de son disciple et émule Ibn al-Muqaffa‘, vont se retrouver chez les grands polygraphes du ixe siècle qui sont les créateurs[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'École nationale des langues orientales vivantes

Classification

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  • ARABE (MONDE) - Littérature

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    ...les affaires de l'État. Les Iraniens, de par leur appartenance à une tradition politique très ancienne, étaient les mieux préparés à jouer ce rôle : ‘Abd al-Ḥamīd ibn Yaḥyā (mort en 750) imposa le style administratif qui servira de modèle à toute l'administration arabo-musulmane au Moyen Âge. Il fut...