ABDELAZIZ MOHAMED (1947 ou 1948-2016)
Président de la République arabe sahraouie démocratique pendant quarante ans, jusqu’à sa mort en mai 2016, Mohamed Abdelaziz, dirigeant du Front Polisario, avait succédé en 1976 au chef du mouvement indépendantiste El Ouali Moustapha Sayed.
Alors qu’ils sont tous deux étudiants à Rabat, au début des années 1970, ils revendiquent l’indépendance du Sahara colonisé par l’Espagne, mettant en avant leur culture et leur identité. Ils fondent en 1973 le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro, ou Front Polisario, qui se forge rapidement une idéologie transnationale d’inspiration socialiste. En 1975, la Marche verte organisée par le roi du Maroc Hassan II ainsi que l’accord tripartite signé à Madrid entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie qui prévoit le retrait espagnol incitent le mouvement à constituer un État en exil et à évoluer du stade d’idéologie et de petite guérilla vers l’idée d’un État confronté à une question d’ordre international, en l’occurrence un problème de décolonisation.
En 1976, pour éviter de voir s’installer un vide institutionnel après le départ des Espagnols et opposer une légitimité sahraouie à la récente légalité maroco-mauritanienne, le Front Polisario annonce la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le mouvement se dit « résolu à défendre son indépendance, son intégrité territoriale et à prendre en main ses ressources et ses richesses naturelles ». Mohamed Abdelaziz participe activement à toutes les étapes qui fondent le mouvement. Il en prend la tête en 1976, lorsque El Ouali trouve la mort en combattant en Mauritanie.
Si Abdelaziz est élu secrétaire général du Front Polisario, la succession d’El Ouali, véritable figure mythique du mouvement et homme fédérateur, n’est pas simple. La difficulté est d’autant plus grande que la concurrence est rude entre les natifs du Sahara et ceux qui sont nés en dehors de ce territoire. Né à Marrakech, Mohamed Abdelaziz n’a eu de cesse de dissimuler son lieu de naissance. Le fait qu’il ne soit pas né sur le territoire l’a empêché d’être membre du bureau politique du Front Polisario. Une fois élu, cet ancien commandant de région militaire inscrit son action dans le prolongement de l’action et de l’esprit de son prédécesseur. Durant les premières années, il intensifie la guérilla. Mettant à profit l’aide apportée par l’Algérie et la capacité de ses hommes à dominer le terrain, il réussit à infliger de lourdes pertes aux adversaires marocain et surtout mauritanien. La Mauritanie se retire du conflit en 1979.
En 1982, Mohamed Abdelaziz obtient une victoire diplomatique en réussissant à faire admettre la RASD à l’Organisation de l’unité africaine en tant que cinquante et unième membre. Une adhésion qui provoque, deux ans plus tard, le retrait du Maroc de l’instance africaine. S’il reste fidèle au programme militaire et diplomatique pensé par son prédécesseur, Abdelaziz gouverne seul, de manière autoritaire. Un rapport de forces s’installe rapidement entre les tribus rivales au sein de la direction du Front Polisario ; les Reguibat Fokra, tribu dont est originaire Mohamed Abdelaziz, exercent une domination sur les Tekna et les Ouled Delim qui ont pu constituer à ses yeux une faction promarocaine à l’intérieur des camps de réfugiés de Tindouf (dans le sud-ouest de l’Algérie). L’absence de démocratie au sein du mouvement et la mainmise des Reguibat ont provoqué des départs de cadres importants. Certains ont quitté les camps en prétextant des soins médicaux à l’étranger, sont partis au Maroc et ont fait allégeance au roi.
Mais, au-delà de la dérive autoritaire qui a privé le mouvement de nombre de ses cadres compétents, Mohamed Abdelaziz a échoué à insuffler une dynamique nouvelle au mouvement et à mobiliser les jeunes générations. Alors[...]
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Écrit par
- Khadija MOHSEN-FINAN : politologue, chercheuse associée au laboratoire SIRICE, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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