SALAM ABDUS (1926-1996)
Né à Jhang (actuellement Jhang Maghiana, au Pakistan) le 29 janvier 1926, dans une famille « pieuse et instruite », Abdus Salam est mort, le 21 novembre 1996 à Londres, de la maladie de Parkinson. Lycéen exceptionnellement doué à Lahore, il avait bénéficié d'une bourse pour poursuivre des études supérieures en Grande-Bretagne ; il obtint son doctorat à Cambridge en 1951. De retour au Pakistan, sa nomination à la tête du département de mathématiques de l'université du Pendjab lui montra combien il était difficile de poursuivre des recherches dans les universités du Tiers Monde. Il repartit donc pour la Grande-Bretagne, où il devint rapidement professeur à l'Imperial College de Londres. Chercheur prolifique, fondateur et animateur passionné du Centre international de physique théorique de Trieste, en Italie, conseiller scientifique du Pakistan, personnalité de premier plan de l'U.N.E.S.C.O., Abdus Salam restera un des acteurs marquants de la culture mondiale de cette fin de xxe siècle.
La recherche d'une théorie unitaire des forces fondamentales sous-tend les efforts des physiciens modernes depuis Newton, qui montra que gravitation et pesanteur étaient une même réalité, Maxwell, qui posa les lois de l'électromagnétisme regroupant les phénomènes électriques, magnétiques et lumineux, et Einstein, qui, après avoir uni l'espace et le temps, tenta – mais en vain – d'englober en une seule théorie gravitation et électromagnétisme. La découverte au début du xxe siècle de deux types de forces nucléaires – l'interaction faible et l'interaction forte – donna un nouvel élan à ces tentatives. En 1967, Salam et le physicien américain Steven Weinberg proposèrent, indépendamment, la théorie selon laquelle l'électromagnétisme et l'interaction nucléaire faible sont issues d'une même interaction, dite électrofaible, dont le vecteur est un triplet de bosons massifs (notés W+, W— et Z0) et le photon.
Quelques années plus tard, des expériences menées au Cern (Laboratoire européen de physique des particules) de Genève apportèrent les premières confirmations du modèle de Weinberg-Salam par la découverte de la nouvelle facette des interactions faibles prédite par cette théorie, à savoir celle qui est exprimée par l'échange du boson Z0. Le prix Nobel de physique 1979, qu'Abdus Salam partage avec les Américains Steven Weinberg et Sheldon Glashow (l'importance des travaux de précurseur de ce dernier était ainsi reconnue) récompensera les trois auteurs de ce qu'on appelle maintenant le modèle standard des interactions électrofaibles. La production de bosons W et Z0 dans les collisions proton-antiproton en 1983, puis l'analyse fine de leurs caractéristiques, grâce au grand collisionneur électron-positon (le L.E.P.) du Cern, à partir de 1989, ont permis de vérifier les prédictions de cette théorie avec une précision toujours accrue.
Citoyen du Tiers Monde et musulman convaincu, Abdus Salam a dépensé son énergie (et nombre des récompenses acquises par ses travaux scientifiques) pour améliorer radicalement la condition de la recherche et de l'enseignement supérieur dans les pays pauvres, en particulier dans les pays islamiques. De nombreuses institutions lui survivront, telles que le Centre international de physique théorique de Trieste et l'Académie des sciences du Tiers Monde, qui dispensent des bourses de recherche pour des universitaires de pays pauvres. Conscient de la difficile réalité et, en particulier, du fait que le fossé scientifique entre nations riches et nations pauvres ne cesse de s'élargir, il affirmait « prier sans cesse pour que cela change » et « être sûr qu'Allah répondrait à ces prières ».
Bibliographie
Nobel Lectures in Physics 1971-1980, ouvr. coll., World Scientific, 1992
J.-P.[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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