ABIDINE ABIDINE DINO dit (1913-1993)
Le peintre turc Abidine s'est éteint à Paris le 7 décembre 1993, à l'âge de quatre-vingts ans. Il a mené une carrière internationale, exposant ses œuvres depuis 1947 non seulement en Turquie et en France, mais aussi aux États-Unis, en Europe et en Russie. Son goût de la recherche créative, sa passion pour la vie et un travail soutenu l'ont amené à varier sans cesse ses techniques, de la plume à la sépia, du dessin à la peinture, de l'aquarelle au pochoir et même à la sculpture. Abidine revendiquait dans son art l'influence de la calligraphie orientale, comme en témoigne le tracé de sa signature. Il a illustré les œuvres de Nazim Hikmet, de Yachar Kemal, de Guillevic, d'Adonis. Il dessinait ou peignait des figures oniriques à la limite de l'abstraction, où peuvent se lire l'ambiguïté du réel et la quête métaphysique d'un autre lieu : mains aux doigts enlacés, îles suspendues, nus en forme de fleurs ou de mondes tournants, fenêtres cosmiques, foules indistinctes, ou encore spectre de la mort nucléaire.
Abidine réunissait en lui tout un faisceau de contrastes dont il jouait et s'amusait. Né à Istanbul dans une famille ottomane de grande aristocratie, il a commencé sa vie dans l'opulence, entre sa ville natale, Paris et la Suisse ; sa gouvernante lui a appris un français parfait aux formules adéquates, dont le charme et la pureté transparaissent dans ses textes. La ruine de sa famille l'oblige à gagner sa vie dès l'âge de quinze ans, et il propose ses caricatures dans le quartier des imprimeries de la Sublime-Porte, à Istanbul. En 1933, il fonde le premier groupe de peintres d'avant-garde en Turquie ; invité en 1934 à Leningrad, il travaille et se lie avec Eisenstein, Isaac Babel, Meyerhold ; un bref passage en 1938 à Paris lui fait connaître Tristan Tzara, Picasso et Gertrude Stein. Il doit alors rentrer en Turquie ; mais ses prises de position marxistes lui valent l'exil. De 1941 à 1947, il est envoyé en résidence surveillée à Adana. C'est là qu'il épouse en 1943 Guzine Dikel, une jeune universitaire d'Istanbul. Par une ironie du sort qui a fait les délices d'Abidine, ils vivent dans un grenier inconfortable du boulevard Abidine-Pacha, du nom de son grand-père qui était pacha des Mers dans la Turquie ottomane. L'exilé met à profit cette période pour connaître et peindre les paysans et les paysages anatoliens. Après un bref retour à Ankara, Abidine doit encore s'exiler, et il choisit en 1951 Rome, puis en 1952 Paris. Il y retrouve les amitiés déjà nouées, et est accueilli par le milieu littéraire et artistique communiste ; il se lie avec Aragon et Elsa Triolet. Abidine travaille aussi à Vallauris avec Chagall et Picasso. Deux expositions, en 1955, le font remarquer, l'une à Paris, galerie Kléber, avec un texte de présentation par Philippe Soupault, l'autre à Saint-Paul-de-Vence. Désormais, il ne quittera plus la France que pour présenter ses expositions. Abidine se voue aussi, avec son épouse Guzine, à faire connaître en France les artistes turcs : le poète Nazim Hikmet leur ami de toujours, le romancier Yachar Kemal dont ils ont encouragé les débuts à Adana, et tant d'autres qui représentent la littérature et la peinture de son pays. Depuis les années 1980, Abidine exposait de nouveau en Turquie, où il était accueilli comme l'un des plus grands peintres turcs actuels.
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Écrit par
- Michèle AQUIEN : maître de conférences à l'université de Paris-XII-Val-de-Marne
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