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KHO'I ABO'L-QĀSEM (1899-1992)

Né en 1899 à Kho’y (Azerbaïdjan iranien), Abo’l-Qāsem b. ‘Ali Akbar Musavi Kho’i a connu la vie typique d'un grand théologien chī‘ite. Après des études élémentaires à Tabriz, il accompagne son père, en 1912, à Najaf (Irak) pour y suivre un cursus islamique classique. Najaf présentait l'avantage d'être à l'écart des tumultes politiques qui agitaient l'Iran après la révolution constitutionnaliste et surtout l'invasion du nord du pays — y compris l'Azerbaïdjan — par les troupes russes en 1911. Kho’i ne devait plus quitter Najaf que pour de brefs voyages, l'un en Iran, un pèlerinage à Qom et à Mashhad en 1949, où il fut accueilli avec tous les honneurs dus à son rang de grand ayatollah ; l'autre, à Londres, pour y être soigné en 1972 à la suite d'une faiblesse cardiaque après que l'Irak eut expulsé plus de cinquante mille Iraniens chī‘ites, épisode d'une longue guerre larvée entre les deux pays.

La célébrité de Kho’i lui vient des étudiants qui retournent dans leur pays après plusieurs années de théologie à Najaf, et deviennent potentiellement ses agents cléricaux pour le faire adopter comme « guide à imiter » (marja’ ot-taqlid), selon la tradition chī‘ite. Les agents de l'ayatollah collectent en son nom les taxes islamiques volontaires versées par les fidèles, taxes qui sont ensuite distribuées à des œuvres charitables ou pieuses, ou sous forme de subsides aux étudiants en théologie. C'est ainsi qu'en 1971, à la mort de l'ayatollah irakien Ḥakim, Kho’i fut coopté par de très nombreux chī‘ites, notamment en Iran, en Inde, au Pakistan et au Liban (où parmi ses anciens élèves on trouve l'imam Musa Sadr et le scheik Fadlallāh).

Kho’i avait la réputation de se tenir par principe à l'écart de toute prise de position politique. Il fut cependant forcé, à deux reprises au moins, de sortir de sa réserve : le 19 novembre 1978, lorsque l'impératrice Farah vint à Najaf et l'obligea à la recevoir pour obtenir de lui une déclaration apaisante à l'égard du régime du shāh, ce qu'il refusa. La seconde fois, après la guerre du Golfe lorsque, pour arrêter la révolte des chī‘ites du sud de l'Irak, Saddam Hussein fit venir le vieillard prostré à Bagdad et le contraignit à apparaître avec lui à la télévision pour cautionner sa politique. Après la révolution islamique, Kho’i avait perdu quelque peu de son prestige en raison de son opposition silencieuse à l'ayatollah Khomeyni. Leur divergence était connue : elle remontait à l'époque où Khomeyni, exilé à Najaf, prenait des positions interventionnistes en politique, s'opposant explicitement à Kho’i. C'est lui que viserait Khomeyni dans son fameux livre sur le Gouvernement islamique, lorsqu'il enjoint aux théologiens de présenter l'islam aux jeunes de telle sorte qu'ils ne s'imaginent pas que la religion se résume à des mollahs assis dans le coin d'une mosquée pour répondre « à des questions de menstruation ou d'impureté rituelle des femmes ! ». Mais la popularité de Kho’i devait remonter chez les Iraniens, comme l'atteste le niveau des subsides redistribués en son nom dans les écoles théologiques. On peut dire que sa ligne « quiétiste » était à nouveau dominante au moment de sa mort le 8 août 1992, contre celle, plus controversée, de la République islamique.

Parmi les œuvres de Kho’i, à part l'indispensable recueil de ses décrets religieux qui permet à ses fidèles de l'« imiter », on trouve un grand recueil de biographies d'oulémas et de nombreux traités de jurisprudence islamique.

— Yann RICHARD

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Écrit par

  • : professeur à la l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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