ABOLITIONNISME, histoire de l'esclavage
La Révolution française
Entre-temps, et sous l'influence directe des événements révolutionnaires, les abolitionnistes français avaient atteint leur but. Sans doute les abolitionnistes anglais ont-ils influencé la France, mais l'abolitionnisme français tire avant tout sa justification de la philosophie des Lumières. Quelles que soient leurs divergences sur la légitimité et l'utilité des colonies, les philosophes avaient été unanimes à condamner l'esclavage : du point de vue des principes comme Rousseau (« Ces mots esclaves et droit sont contradictoires »), avec ironie comme Montesquieu ou Voltaire, avec indignation comme Bernardin de Saint-Pierre. Certains d'entre eux, tels Diderot et l'abbé Raynal, avaient été plus loin et avaient mis en question le système de la colonisation lui-même. Un physiocrate, Pierre Poivre, qui avait été intendant aux îles de France et de Bourbon, faisait observer que « la terre qui multiplie ses dons avec une espèce de prodigalité sous l'action des cultivateurs libres semble se dessécher même par la sueur des esclaves ».
Il y a donc en France, à la fin du xviiie siècle, quoique moins puissant qu'en Angleterre, un courant abolitionniste. Une Société des amis des Noirs est créée, qui tient sa première séance le 19 février 1788. Toutefois, le mouvement n'influence qu'une infime partie de l'opinion publique. D'ailleurs, les problèmes coloniaux, en général, occupent une place très réduite dans les travaux de l'Assemblée constituante. Ce qui intéresse la Constituante dans ce domaine, c'est le statut des hommes de couleur libres que les colons entendent priver de droits politiques. Après avoir, le 15 mai 1791, accordé dans une certaine mesure le droit de suffrage aux hommes de couleur libres, la Constituante, par le décret du 24 septembre 1791, cède à la pression des colons et laisse aux assemblées coloniales le soin de « faire des lois concernant l'état des personnes non libres et l'état politique des hommes de couleur et nègres libres ». Il faut attendre l' Assemblée législative pour que soit voté, le 28 mars 1792, un décret accordant l'égalité des droits politiques aux hommes de couleur libres. Le seul projet de nature abolitionniste fut présenté en septembre 1791 par Blangilly, un député des Bouches-du-Rhône. Il prévoyait, entre autres mesures, l'affranchissement au bout de huit ans des Noirs, qui deviendraient journaliers. Le projet ne fut ni discuté ni même porté à la tribune, mais simplement communiqué pour l'impression. Le 26 août 1792, la Législative confère à William Wilberforce la citoyenneté française.
La Convention va plus loin, mais timidement d'abord, se contentant sur la proposition de l'abbé Grégoire (le véritable abolitionniste français de l'époque révolutionnaire) de supprimer les primes aux armateurs négriers, sans interdire la traite elle-même. Si le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention vote enfin le décret abolissant l'esclavage, le mérite en revient moins aux abolitionnistes français qu'à l'insurrection des Noirs de Saint-Domingue. La Constitution de l'an III (article 15 de la Déclaration des droits de l'homme) maintient le principe de la suppression de l'esclavage. Ces mesures seront sans lendemain, sauf toutefois à Saint-Domingue que la France devra abandonner. Par la loi du 30 floréal an X (20 mai 1802), Bonaparte rétablit l'esclavage. La traite elle-même redevient légale.
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Écrit par
- Jean BRUHAT : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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