ABORIGÈNES AUSTRALIENS
Résistance et nouvelles législations
En 1972, à Canberra, des militants aborigènes montent devant le Parlement fédéral une tente en guise d'ambassade, « Aboriginal Tent Embassy », pour protester contre le traitement infligé à leur peuple et revendiquer droits territoriaux et droit d'autodétermination. Un drapeau aborigène est conçu : barre noire en haut pour les gens, barre rouge en bas pour la terre et le sang versé, et cercle jaune au milieu pour le soleil et l'espoir. Entre 1972 et 1975, le gouvernement travailliste de Edward Gough Whitlam entreprend une redéfinition complète de la politique fédérale. À compter de cette époque, celle-ci se veut respectueuse du principe d'autodétermination (self-determination), en réalité ramené bien vite au principe de self-management, pour que les Aborigènes s'assument économiquement et ne soient plus des assistés. Au côté du ministère des Affaires aborigènes (Office of Aboriginal Affairs) est créée l'Aboriginal Development Commission (A.D.C.), pour financer des projets communautaires de développement, et la National Aboriginal Conference (N.A.C.), instance consultative élue visant une réorientation de la politique indigéniste. Des Conseils de la terre aborigènes (Land Councils) sont créés dans différentes régions pour négocier les nouvelles modalités économiques et territoriales avec les autorités locales. La loi du 16 décembre 1976 (Northern Territory Land Rights Act) va permettre les premières reconnaissances d'un droit foncier des Aborigènes sur les réserves situées dans le Territoire-du-Nord qui relève directement de la législation fédérale, contrairement aux six autres États australiens, qui ont leurs lois propres. C'est ainsi que le site de Ayers Rock, lieu sacré dénommé Uluru par les Aborigènes, a été « restitué » à la tribu des Anangu par un accord passé avec le gouvernement fédéral en 1985.
Mais il faut attendre 1992 et le dénouement du procès mené par le militant Edward Koiki Mabo et d'autres Aborigènes de l'île de Murray (détroit de Torres), pour que la Haute Cour d'Australie fasse prévaloir pour la première fois des titres de propriété foncière traditionnelle (Native Titles) contre le principe d'annexion d'une terra nullius, défendu par l'État du Queensland.
Si les descendants d'Aborigènes sont désormais de plus en plus nombreux à revendiquer leur identité aborigène, il reste que les statistiques révèlent toujours une situation sociale dramatique pour une grande partie de ce peuple. Constituant moins de 3 p. 100 de la population australienne (dont un quart dans le nord du continent), ils représentent 40 p. 100 des effectifs des prisons. Les taux de mortalité des enfants et des adultes par maladies, accident ou suicide sont ceux du quart-monde. Malnutrition, alcoolisme et violence domestique s'aggravent dans les villes et les communautés de brousse les plus isolées, qui pourtant tentent d'y interdire l'alcool. Des militants aborigènes, appuyés par certains intervenants sociaux, invoquent la nécessité de thérapies collectives (collective healing) pour que les multiples traumatismes endurés depuis l'époque coloniale puissent être exprimés et partagés par la communauté. Pour beaucoup d'organisations aborigènes, il s'agit de dépasser le statut de victime pour promouvoir des procédures encourageant l'estime de soi (self-esteem).
Une nouvelle élite, issue du militantisme ou des institutions éducatives, trouve aujourd'hui des emplois administratifs, notamment à l'A.T.S.I.C. (Aboriginal and Torres Strait Islander Commission), organisme qui a remplacé l'A.D.C. et la N.A.C. en 1990, avec d'un côté une administration de fonctionnaires répartis en soixante régions et de l'autre des conseils régionaux élus. Mais, après l'accalmie des années 1980, les tensions raciales ont[...]
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Écrit par
- Barbara GLOWCZEWSKI : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directrice de recherche au C.N.R.S.
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