ABORIGÈNES AUSTRALIENS
Art et médias contemporains
Le principe de la vision par transparence des chamans se retrouve dans l'art rupestre des Aborigènes de la terre d'Arnhem, art dit « à rayon X » car il présente des animaux ou des êtres anthropomorphes dont le corps semble transparent, montrant l'intérieur, les os, les viscères, mais aussi de complexes tramages de lignes qui incarnent souvent l'intérieur spirituel de l'être représenté et de la terre qui lui est associée, ou encore la parole et l'action des ancêtres. Cet art vieux de plusieurs millénaires se restreint à une région du nord de l'Australie et est peint depuis les années 1950 sur des écorces vendues aux musées et aux particuliers. Il existe d'autres traditions rupestres en Australie, telle celle des visages auréolés sans bouche, les Wandjina, ou les petites figures dynamiques du Kimberley, les Munganunga. Dans le Sud on trouve des milliers de pétroglyphes et des arbres à l'écorce sculptée.
Dans le désert, les représentations figuratives ou anthropomorphes sont rares et secrètes. Les signes pariétaux rejoignent plutôt l'iconographie des signes peints sur le corps, des objets sacrés, ou encore des signes tracés au sol pour raconter des histoires : cercles pour représenter les lieux, demi-cercles pour les gens assis, lignes droites ou méandreuses pour les déplacements, et quelques empreintes, comme la flèche. Les traces laissées au sol sont la base du principe iconographique du désert, l'écriture des ancêtres. Tout peut être représenté, mais toujours sous forme de traces, inscription d'une action gravée au sol : une ligne droite pour une personne couchée, un bâton ou une lance posée à terre, un cercle pour un fruit, une source, une pierre.
Au début des années 1970, dans la communauté du désert de Papunya, un artiste éducateur, Geoff Bardon, cherchant à mobiliser les jeunes, a donné des toiles et des acryliques aux anciens Pintupi et Warlpiri afin qu'ils y transposent les motifs totémiques peints sur le corps ou sur le sol. L'appropriation enthousiaste de ces nouveaux supports a donné naissance à un mouvement pictural qui, en une dizaine d'années, s'est propagé dans tout le désert sous le nom de dot painting, le mouvement pointilliste du désert reconnu dans le monde entier. Il fallut de nombreuses discussions entre les anciens pour établir certaines règles concernant ce qui pouvait être peint et la manière de respecter les secrets rituels et les droits traditionnels de chacun à l'égard d'une terre et de certains ancêtres totémiques. Chaque homme et femme peint son ou ses Dreaming(s), mais chacun peut aussi aider à peindre celui d'un père, d'un oncle ou d'un conjoint qui reste alors propriétaire du motif peint et auteur du tableau.
Les petits points, qui entourent de multiples couleurs les motifs totémiques liés à des lieux, sont une transposition de techniques picturales rituelles : points dessinés avec les doigts par les femmes, et touffes de coton ou duvet d'oiseau collés par les hommes, ils suggèrent la discontinuité des particules constituant la matière, particules de Dreaming, essences, forces vitales, mots et chants, qui se combinent entre elles pour donner la texture spirituelle de toutes les formes existantes, terre, espèces vivantes, humains. En ce sens, les points du désert se rapprochent des hachures de l'art tropical du Nord.
En 1985, quand le satellite Aussat-I amena la télévision dans les régions isolées, c'est par une peinture de réseaux d'itinéraires et de points que le système fut expliqué aux différentes communautés aborigènes. Elles développèrent aussitôt les B.R.A.C.S. (Broadcasting in Remote Aboriginal Communities Scheme), réseau permettant la diffusion de programmes de radio et de télévision. Les communautés utilisent les B.R.A.C.S. devenus R.I.B.S. (Remote Indigenous Broadcasting[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Barbara GLOWCZEWSKI : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directrice de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
ANTHROPOLOGIE DE L'ART
- Écrit par Brigitte DERLON et Monique JEUDY-BALLINI
- 3 610 mots
- 1 média
...économie transnationale, le « monde de l’art », jusque-là exploré essentiellement par les sociologues (Becker), devient un sujet d’étude anthropologique. Sur la base d’une ethnographie de plusieurs décennies chez les Pintupi d’Australie, Fred Myers (2002) relate l’histoire – locale, régionale, nationale,... -
AUSTRALIE
- Écrit par Benoît ANTHEAUME , Jean BOISSIÈRE , Bastien BOSA , Vanessa CASTEJON , Encyclopædia Universalis , Harold James FRITH , Yves FUCHS , Alain HUETZ DE LEMPS , Isabelle MERLE et Xavier PONS
- 27 355 mots
- 29 médias
...tiers du xxe siècle, l'Australie est cependant devenue plus multiculturelle. Elle a octroyé, par référendum en 1967, une plus grande place aux Aborigènes, en donnant au gouvernement fédéral l'autorisation de voter des lois pour les protéger, de les compter dans les recensements et de leur reconnaître... -
ETHNOLOGIE - Ethnoarchéologie
- Écrit par Anick COUDART
- 4 861 mots
...répartition des restes chez les Esquimaux Nunamiut. En revanche, après avoir examiné les lieux, la durée de séjour, la saison, la densité du gibier chez les Aborigènes australiens du Western Desert, Gould comprit que la technique de découpe des kangourous en neuf morceaux se référait au système de parenté... -
FREEMAN CATHY (1973- )
- Écrit par Pierre LAGRUE
- 297 mots
Le 25 septembre 2000 à Sydney, l'athlète aborigène australienne Cathy Freeman, victorieuse du 400 mètres olympique, effectue son tour d'honneur avec le drapeau australien et le drapeau aborigène, sous les acclamations des 112 000 spectateurs : symbole fort et annoncé de la réconciliation de l'...
- Afficher les 23 références