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ABORIGÈNES AUSTRALIENS

Interpréter le passé

Il est très difficile de reconstituer le passé à partir d'une histoire orale pleine d'interrogations et de contradictions, sans cesse confrontée aux descriptions accumulées par les Européens, pleines d'inexactitudes et de préjugés. En témoigne l'oubli persistant du rôle des femmes dans la culture aborigène, révélé par l'affaire de l'île Hindmarsh (située à l'embouchure de la rivière Murray, en Australie-du-Sud) qui a secoué l'opinion, les milieux anthropologique et politique. Un groupe de femmes Ngarrindjeri, originaires de cette île et de confession chrétienne, s'est opposé à la construction d'un pont qui allait détruire ce qu'elles considéraient comme un site sacré féminin. Un autre groupe de femmes, membres d'une Église opposée aux croyances traditionnelles et favorable au développement, a prétendu qu'aucun observateur extérieur (missionnaire, administrateur) n'avait relevé que les femmes de cette tribu aient jamais eu un savoir sacré. Plusieurs anthropologues, sur la base d'une histoire orale très documentée et des échanges constatés entres groupes de langues différentes où les femmes conservent des rites et des responsabilités de cet ordre, ont donné raison au premier groupe de femmes.

Archéologues et préhistoriens sont aussi confrontés à la relativité des interprétations. L'ancienne thèse selon laquelle il y aurait eu deux types archaïques de populations en Australie, l'un, dit gracile, rattaché à l'homme de Wadjak, et l'autre robuste, rattaché à l'homme de Ngandong, a pu ainsi être réinterprétée comme une simple opposition sexuelle (Mulvaney et Kamminga, 1999) ! On a longtemps dit que les Aborigènes n'avaient pas d'habitat construit. Or l'archéologie a permis de reconstituer un habitat de pierre, organisé en village le long de la rivière Murray (État d'Australie-du-Sud), détruit par les colons pour construire leurs propres maisons. Aucune archive écrite ne le mentionnait. Certains chroniqueurs de presse continuent à accuser les ancêtres des Aborigènes d'avoir désertifié le continent avec leurs feux de brousse. Or les parcs nationaux font appel aux Aborigènes pour qu'ils reprennent leurs techniques de nettoyage du sol par le feu, que les colons les avaient empêchés de pratiquer, avec de graves conséquences pour la reproduction de diverses espèces animales et végétales.

Aujourd'hui, des Aborigènes se forment à l'archéologie pour mieux reconstruire leur passé. Ils sont nombreux à travailler sur des chantiers de fouille et dans les musées. Ils ont aussi lancé le mouvement de restitution des ossements aborigènes dispersés pour raisons scientifiques dans le monde entier et tentent d'interdire la fouille de certains sites sacrés. Ils ont milité contre le Programme génome humain au nom de la propriété culturelle des gènes et autres restes humains. Cette cause pose de nombreux problèmes éthiques qui sont loin d'être résolus.

Les découvertes des années 1970 avaient repoussé l'ancienneté de l'occupation de l'Australie jusqu'à 40 000 ans ; aujourd'hui, on parle de 60 000 ans et plus. Les spécialistes s'accordent plus ou moins sur un peuplement en provenance d'Asie du Sud-Est à l'époque où le niveau de la mer était plus bas et permettait la traversée sur de petites embarcations. Aujourd'hui, ces sites hypothétiques de première occupation sont submergés, et les traces supposées les plus anciennes de l'arrivée des premiers habitants sont inaccessibles.

Beaucoup de groupes aborigènes installés sur la côte ont des récits de fondation racontant la venue d'ancêtres par la mer, comme le récit des Deux Sœurs en terre d'Arnhem ou celui des Wanji dans le Kimberley de l'Ouest. Pour les Lardil de Mornington Island,[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directrice de recherche au C.N.R.S.

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Sociétés aborigènes d'Australie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés aborigènes d'Australie

Colons et aborigènes - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Colons et aborigènes

Ayers Rock - crédits : Doug Armand/ The Image Bank/ Getty Images

Ayers Rock

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