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MOLES ABRAHAM (1920-1992)

Figure originale de l'épistémologie de la communication, Abraham Moles est sans doute plus connu, et reconnu, à l'étranger – en Amérique latine et en Europe – qu'en France. Sa formation allia l'esprit d'observation du physicien à la volonté de comprendre du philosophe.

Son doctorat de physique (1952) portait sur le signal acoustique ; l'étude de ce thème l'amena à participer à la fondation de La Revue du son. Son doctorat ès lettres, Théorie de l'information et perception esthétique, publié en 1956 et aussitôt traduit dans de nombreux pays, marqua la première étape de sa réflexion sur la constitution d'une théorie de l'information et de la communication, réflexion qu'il poursuivra, malgré la dispersion apparente de ses intérêts, jusqu'à son dernier ouvrage, Les Sciences de l'imprécis, publié en 1990.

Moles définissait son ouvrage Sociodynamique de la culture, publié en 1967, comme un « effort vers un cadre doctrinal » visant à « s'intégrer dans une science constituée ». Il utilisait à cet effet la cybernétique naissante « comme système intellectuel de maîtrise du réel ». Recourant au schéma de la boîte noire conçue comme système fermé, lieu de réaction et de transformation du message culturel ou médiatique, il parvenait à décrire le phénomène « culture » comme un cycle, un processus cumulatif, mais aussi comme une chaîne créatrice où les interférences entre les groupes opérant aux différents niveaux de la création, de la transmission et de la consommation étaient par lui fortement soulignées. Albert Kientz, auquel on doit le renouvellement de l'idée même d'analyse de contenu, puis Michel Mathien, qui a introduit l'analyse systémique dans l'analyse sociologique des médias, reprirent et approfondirent cette démarche. L'un de ses derniers ouvrages, Théorie structurale de la communication et société, paru en 1986, est un véritable traité de sociologie des communications qui fournit une définition, une épistémologie mais aussi une description et une analyse très détaillées – y compris sur le plan des sciences « dures » – des formes de la communication. Particulièrement intéressé par la notion de redondance, déjà observée par le physicien, il a également élaboré une méthode pour mesurer l'information contenue dans un message. Tous ses travaux, répertoriés dans les Mélanges qui lui ont été consacrés en 1989, renvoient aux différentes facettes de la communication. Parti des phénomènes acoustiques, il s'intéressa au son, donc à la musique, et en particulier à la musique contemporaine avec Pierre Schaeffer, à la R.T.F.. Le son l'amena également à observer le langage et la phonétique (Phonétique et phonation, 1966). Enfin, il poursuivit parallèlement sa recherche sur l'art et l'esthétique : de l'affiche au kitsch en passant par Art et ordinateur. L'entreprise comme lieu social n'a pas échappé à ses investigations, non plus que la vie quotidienne, ni l'espace vécu, en particulier l'espace urbain.

L'essentiel de sa carrière professorale s'est déroulé à l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, où il fut appelé par Henri Lefebvre et Georges Gusdorf en 1961. Il créa, en 1968, le Laboratoire de psychologie sociale des communications, où il forma à sa méthode – qui associe l'observation empirique, l'utilisation des concepts des sciences humaines et la systématisation des résultats obtenus – plusieurs générations d'étudiants et de chercheurs, tant français qu'étrangers.

— Christine LETEINTURIER

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Écrit par

  • : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas, Institut français de presse

Classification

Autres références

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