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ABSOLUTISME

Les quatre caractères de l'absolutisme

Comment peut-on caractériser le concept d'absolutisme ? Il s'agit, on l'a vu, beaucoup moins d'une idée de l'État que d'une certaine pratique de la relation entre le pouvoir et le corps social, qui se traduit en doctrines et en institutions.

Il semble que de la considération de cet ensemble on puisse relever quatre caractères communs.

Le pouvoir est sans limite et se fonde lui-même

Le premier caractère (sur lequel on insiste toujours et à quoi l'on réduit souvent l'absolutisme), c'est que le pouvoir se conçoit lui-même comme étant sans limites. Il convient ici de distinguer deux termes : le pouvoir ne cherche pas une doctrine de l'État chez des théologiens ou des philosophes (quoique ceux-ci et ceux-là, bien entendu, interviennent). Il n'a pas besoin d'une pensée extrinsèque : le pouvoir se conçoit lui-même, il se pense lui-même. Ce n'est pas pour rien que les principaux interprètes de l'absolutisme ont été des hommes d'État, y compris Frédéric II et Le Bret qui appartint au Conseil d'État. Ce pouvoir se conçoit en outre comme sans limites : limites externes (corps, droit, traités, morale, etc.) comme limites internes (freins institutionnels) sont écartées. Le souverain est maître des personnes et des biens. Il peut prendre les décisions qui lui conviennent ; le droit ne se différencie pas, du moins théoriquement, de la volonté du prince. Cette absence de limites exprime l'identification entre le souverain et l'État.

Mais cela ne s'explique que grâce au second caractère : le pouvoir prétend reposer sur un absolu. Il n'est pas pouvoir gestionnaire d'un ensemble de biens, d'une collectivité nationale ; il se fonde sur une valeur absolue : par exemple Dieu ; et nous avons vu que, dans l'absolutisme, le fondement théologique met en définitive Dieu au service du pouvoir. Mais ce peut aussi être la raison d'État ; le mot mystère désigne précisément la raison d'être absolue du pouvoir. Il échappe au contrôle ; il ne s'explique pas ; il ne peut être critiqué : l'État est un mystère parce qu'il dépasse les normes humaines. Il semble que les politiques aient préféré cette autojustification à la doctrine théologique.

Le bien et la vérité connus du prince

Pareille vision de l'État conduit à discerner deux autres caractères : l'État représente le bien, et le prince a la connaissance de la vérité.

Nous sortons complètement de la sphère juridique ou politique au sens concret. L'État dans l'absolutisme n'est pas un organisme pratique. Il est l'expression du bien. Là où l'État règne, là règnent à la fois bonheur des sujets et vérité. La raison d'État, c'est finalement la vérité, accessible à l'homme, mais que seul le prince, parce que assimilé à l'État, est apte à connaître. Il est évident que, dans cette mesure, il ne peut y avoir aucune opposition ni aucune discussion. Que pourrait opposer le particulier au bien général et à la vérité ? C'est finalement à ce point que nous conduit Hobbes par le renversement célèbre, lorsque partant de l'individualisme le plus total, fondé sur la peur individuelle, il aboutit à l'État total qui seul garantit l'individu et assure sa sécurité. Si l'État est le bien de tous, assurément de la collectivité, si le prince est assimilé à l'État, aucune résistance ni opinion divergente n'est tolérable.

Un pouvoir invariable et sans contestation

Dans un tel contexte, il ne saurait y avoir de problématique du pouvoir. D'un côté, rien ne peut se présenter en face de lui qui soit justifié à élever une contestation ; de l'autre côté, il ne peut y avoir de mise en question intrinsèque. C'est qu'ici le retournement au sujet du fondement théologique[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Bordeaux-I, membre de l'Académie de Bordeaux

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