ABŪ BAKR (570 env.-634)
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Premier calife musulman, ami, beau-père et successeur du Prophète Mahomet ‘Abd Allāh, Abū Bakr reçut le surnom de ‘Atīq (affranchi), puis celui d'al-Siddīq (le crédule), parce qu'il aurait été le premier à avoir cru immédiatement à l'histoire du voyage nocturne de Mahomet à Jérusalem (isra'). Son père ‘Uthmān (qui est nommé aussi Abū Quḥāfa) b. ‘Āmir et sa mère Umm al-Khayr bint Ṣakhr appartenaient au clan Taym de la tribu Kuraysh qui faisait partie de la bourgeoisie mecquoise et dont Mahomet lui-même était issu. Abū Bakr, avant sa conversion à l'islam, était, comme la plupart des membres de sa tribu, un marchand (tādjir) de la bourgeoisie moyenne. Sa fortune, évaluée à 40 000 dirhams, si elle ne le rangeait pas parmi les riches commerçants de La Mecque, lui permettait néanmoins de mener une vie aisée. La nouvelle religion avait séduit notamment cette moyenne bourgeoisie, libérale et opposée à la classe dirigeante mecquoise, aristocratique et conformiste. Abū Bakr, dont on dit qu'il fut l'ami de Mahomet dès avant l'annonce de son message, fut parmi les premiers qui ont apporté leur adhésion et leur soutien à ce dernier. Il témoigna d'un attachement indéfectible à la cause de la nouvelle religion et à son inspirateur. Homme courageux, plein de bon sens et de pondération, il sut acquérir une place importante au sein de la petite communauté musulmane naissante. Il joua auprès du Prophète le rôle de principal conseiller, et l'homme qui avait la réputation d'un fidèle inconditionnel savait parfois exercer sur les décisions du Prophète une influence modératrice.
Quand les membres de la communauté choisirent l'exil en Abyssinie pour fuir les persécutions des couches dirigeantes de la société mecquoise, Abū Bakr demeura à La Mecque aux côtés de Mahomet. Celui-ci le choisit pour l'accompagner dans son émigration à Médine (622), événement auquel le Coran fait allusion (chap. ix, verset 40) et qui lui conféra un grand prestige. Abū Bakr fut rejoint à Médine par sa famille (à l'exception de son fils ‘Abd al-Raḥmān qui demeura à La Mecque, combattit les musulmans à Badr ainsi qu'à Uḥud, mais se convertit à l'islam avant la conquête de La Mecque). Il s'installa dans le faubourg al-Sunḥ où il se fit construire une maison. L'amitié entre le Prophète et son disciple et la position particulière que celui-ci occupait dans la communauté musulmane furent consacrées par le mariage de Mahomet avec ‘Ā'isha, la fille d'Abū Bakr. Celui-ci participa aux expéditions conduites par le Prophète, l'assistant de ses avis et de ses conseils. Il fut le premier à être informé du but véritable de l'expédition de 630, an 8 de l'hégire, au cours de laquelle La Mecque fut conquise. Mahomet le chargea de conduire le pèlerinage de l'année suivante et de diriger la prière publique à Médine pendant sa dernière maladie, marques dans lesquelles on a vu une sorte de désignation à la succession. La mort de Mahomet (8 juin 632) fut un moment critique pour le jeune État islamique, la cohésion de celui-ci étant pendant un temps menacée par les partis rivaux cherchant à s'emparer du pouvoir. ‘Alī ibn Abī Ṭālib, cousin et gendre du Prophète, et les siens se prévalaient de leur parenté avec Mahomet et se considéraient comme ses légitimes successeurs. Les Anṣar médinois, qui avaient accueilli et protégé Mahomet ainsi que sa petite communauté dans les moments les plus difficiles et qui furent écartés du pouvoir réel, accaparé par les Mecquois, désiraient du moins le partager avec eux. Mais le triumvirat, comme dit Lammens, composé de Abū Bakr, de ‘Umar ibn al-Khaṭṭāb et de Abū ‘Ubayda ibn al-Djarrāḥ, les principaux conseillers influents de Mahomet, participait déjà au pouvoir et entendait le conserver. Il réussit à persuader l'assemblée réunie dans la Saqīfa des Banū Sā‘ida, pour débattre du problème de la succession, d'accepter l'investiture d'Abū Bakr. Celui-ci fut désigné khalīfat rasūl Allāh (successeur de l'envoyé de Dieu). Ainsi prit naissance l'institution du califat (al-Khilāfa).
Abū Bakr consacra son califat, qui dura un peu plus de deux ans (632-634), à réprimer le mouvement sécessionniste politico-religieux qui se déclencha à la mort de Mahomet et que les historiens arabes appellent la ridda (littéralement : apostasie). Les tribus incomplètement islamisées ou celles qui étaient soumises au paiement du tribut se soulevèrent contre le pouvoir central de Médine. Conduit par des chefs dont quelques-uns se présentaient comme des prophètes, le mouvement menaça l'existence même du jeune État musulman. Abū Bakr, mesurant l'importance du danger, mobilisa toutes les forces musulmanes pour l'enrayer. Il lui fallut un an pour soumettre les sécessionnistes et réduire leurs principaux centres de résistance (le Yémen qui avait pour chef al-Aswad al-‘Ansī ; la tribu de Ḥanīfa dans la Yamāna, qui était dirigée par Musaylima ; les tribus Asad et Ghaṭafān, sous la conduite de Ṭulayḥa ; celle des Tamīm, sous la direction de la prophétesse Sadjāh ; le Baḥrayn et ‘Umān). Une fois le mouvement réprimé, Abū Bakr fit preuve de beaucoup de clémence vis-à-vis des chefs prisonniers. Après avoir rétabli la pax islamica en Arabie, il amorça le mouvement de la conquête musulmane dans les Empires byzantin et perse.
Durant l'été 633, l'habile stratège Khālid ibn al-Walīd entreprit des expéditions dans les terres persanes de la Chaldée. Il menaça al-Ḥīra, qui paya 60 000 dirhams pour être épargnée. Vers la fin de la même année et en 634, d'autres expéditions furent envoyées en Syrie et en Palestine ; le 13 juillet, l'armée byzantine fut défaite à Adjnādayn (al-Djannābatayn). Abū Bakr mourut le 23 août, laissant à ses successeurs la tâche de continuer le mouvement d'expansion musulmane. Il fut enterré à Médine, à côté du Prophète Mahomet.
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Écrit par
- Khalifa SOUA : chercheur en islamologie
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