ABŪ FIRĀS AL-ḤAMDĀNĪ (932-968)
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Sans doute l'exil compte-t-il au nombre des grandes voix de la poésie universelle. Le mérite du poète arabe Abū Firās al-Ḥamdānī fut de renouveler, sur ce mode, les thèmes traditionnels du lyrisme arabe, ou du moins certains d'entre eux. Ses accents très personnels, remarquablement accordés à une brève existence de bravoure et de malheurs, lui ont valu, dès le Moyen Âge qui le baptisa « soleil du temps », une de ces épithètes conventionnelles peut-être, mais auxquelles seuls les très grands eurent droit.
Prince arabe, prince-poète
Prince-poète, Abū Firās al-Ḥamdānī appartient à la grande famille des Ḥamdanīdes qui régna sur la haute Mésopotamie et la Syrie du Nord au xe siècle de notre ère. Le destin du poète est indissociable de celui de la dynastie, en butte aux rivalités internes, aux entreprises des nomades du désert, aux campagnes des Byzantins. Né en 932 (320 de l'hégire), éduqué à Alep, Abū Firās partagera sa vie officielle entre les fonctions de gouverneur de province et le métier des armes, connaîtra la captivité, quatre années durant, à Constantinople et, de retour en Syrie, périra dans une révolte, à Homs, en 968, à l'âge de trente-six ans.
Le milieu naturel de la poésie d'Abū Firās, c'est d'abord la cour d'Alep. La décadence du califat de Bagdad, c'est-à-dire de l'autorité souveraine de l'Islām, avait favorisé l'éclosion de principautés indépendantes, de fait ou de droit : Alep, l'une d'elles, eut, comme ses sœurs, son souverain et sa cour, alors synonymes de mécénat : aux côtés d'Abū Firās, la poésie arabe y comptera un autre nom plus célèbre encore : Mutanabbī.
Les Ḥamdānides sont des Arabes. Avec eux règne à la cour d'Alep l'ancestrale tradition de bravoure, de générosité, d'ambition ombrageuse, toutes qualités auxquelles Abū Firās conformera sa vie. Sa poésie n'y est pas moins fidèle ; en des formes classiques, elle exalte, souvent avec grandeur, l'héroïsme du prince-poète et de sa famille :
« Tout un chacun, dans notre tribu, se trouve parmi les meilleurs ; si le lacet se resserre autour d'elle, il la garde.
Veut-elle un avis ? Il devient son sage. Fait-elle la guerre ? Il est son héros.
Et quand on dresse les tentes, c'est à la sienne qu'on vient se réfugier, après avoir frappé à la porte des autres. »
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Écrit par
- André MIQUEL : professeur au Collège de France
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