ABŪ FIRĀS AL-ḤAMDĀNĪ (932-968)
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L'amour et l'exil
Cette poésie au grand cœur condescend parfois, dans le goût de Bagdad et sur le mode mineur, aux thèmes de l'amitié et de l'amour. Mais la grande œuvre d'Abū Firās, la plus bouleversante en tout cas, ce sont les poèmes écrits pendant la captivité au pays byzantin ou, comme on disait alors, chez les « Romains » : d'où le nom de Rūmiyyāt donné à ces quelque huit cents vers où se mêlent les reproches à la famille et aux amis, soupçonnés de trop bien se passer de l'exilé, la nostalgie des jours heureux et de la patrie perdue, la soif de liberté ; le tout atteint son point culminant avec un admirable et célèbre poème sur la mort de la mère :
« Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, la pluie que tu ne voulais pas, loin de ton prisonnier !
Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, tourbillon immobile qui ne va ni ne vient.
Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, mais pour qui viendra, avec la rançon, le porteur de bonne nouvelle ?
Mère du prisonnier, à qui donc vont aller, maintenant que tu es morte, les tendres pensées ?...
Ah ! puissent te pleurer tous les jours de tes jeûnes, passés sans faiblesse, dans l'embrasement des midis !
Ah ! puissent te pleurer toutes les nuits de veille, jusqu'aux premières lueurs de l'aube !
Ah ! puissent te pleurer tous les persécutés que tu as recueillis, quand la peur leur faisait les asiles si rares !... Ô ma mère, combien de longs chagrins emportés avec toi, sans une consolation ?
Ô ma mère, combien de secrets gardés jalousement, qui meurent avec toi sans avoir vu le jour ? »
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Écrit par
- André MIQUEL : professeur au Collège de France
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