ABŪ HANĪFA (700 env.-767)
Juriste et théologien musulman, Abū Hanīfa an-Nu'mān ibn Thābit est le fondateur de la doctrine hanafite du droit musulman, système d'interprétation reconnu comme l'une des quatre principales écoles du droit canonique de l'islam. Le droit hanafite jouit d'un grand prestige, et la plupart des dynasties musulmanes l'ont adopté. Aujourd'hui encore, il fait autorité en Inde, au Pakistan, en Turquie, en Asie Centrale et dans les pays arabes.
Abū Hanīfa naît au sein de la communauté perse dans la ville de Koufa, grande métropole commerciale et culturelle des Omeyyades. Fils d'un marchand, le jeune Abū Hanīa commence sa carrière dans le commerce de la soie, et acquiert une situation confortable. Très tôt, il s'intéresse aux débats théologiques, qui le déçoivent, et s'en détourne pour le droit. Il devient le disciple de Hammad ibn Abī Sulaymān, le juriste irakien le plus éminent de l'époque, et reste à ses côtés pendant près de dix-huit ans, avant de lui succéder à sa mort, en 738. Il bénéficie également des enseignements de plusieurs autres érudits, dont 'Atā ibn Abī Rabah, le mufti de La Mecque (mort en 732), et Dja'far al-Sādiq, fondateur de l'école de droit chiite (mort en 765). Son esprit est aussi façonné par les nombreux voyages qu'il entreprend et la société irakienne hétérogène et hautement civilisée qu'il côtoie.
À l'époque d'Abū Hanīfa, la volonté d'appliquer la loi islamique aux questions juridiques a laissé un vaste corpus de traditions. Le besoin d'un code uniforme se fait sentir, de nombreux désaccords doctrinaux étant apparus. Abū Hanīfa examine minutieusement le corpus existant avec ses élèves, dont plusieurs grands érudits. Chaque question de droit est discutée préalablement à l'élaboration d'une doctrine. Les doctrines avaient jusqu'ici été formulées en réponse à des cas concrets, alors qu'Abū Hanīfa entreprend de rédiger un code pouvant servir à résoudre tout problème potentiel dans le futur. Cette méthode élargit considérablement le domaine du droit. L'introduction d'un champ juridique agrandi et d'une dose de rationalisme, ainsi que les réserves qu'Abū Hanīfa émet sur certaines traditions dont il juge le degré d'authenticité insuffisant ont valu, à tort, au droit hanafite la réputation d'être l'école du ra'y (opinion personnelle), par opposition à l'école du ḥadith (traditions du Prophète).
L'approche spéculative d'Abū Hanīfa apporte la cohérence d'un système uniforme aux doctrines juridiques. Il privilégie les considérations générales et systématiques plutôt que les aspects purement matériels. Sans relâche, il s'applique à passer outre les pratiques établies et les complaisances juridiques et administratives au profit de la systématisation des aspects légaux techniques. Son sens aigu de la loi et son extrême rigueur lui permettent d'atteindre des sommets encore inégalés en matière de science juridique. Comparativement à ses contemporains, son compatriote Ibn Abi Layla (mort en 765), le Syrien al-Awzā'ī (mort en 774) et l'imam de Médine Malik ibn Anas (mort en 795), les doctrines d'Abū Hanīfa sont plus cohérentes et plus soigneusement formulées, sa pensée juridique plus développée et plus raffinée.
Bien que la théologie ne soit pas la préoccupation première d'Abū Hanīfa, il prend des positions marquées sur plusieurs questions religieuses, accompagnant ainsi l'éclosion de l'école du maturidisme, championne de l'orthodoxie sunnite.
Pris par ses travaux académiques et par manque d'ambition personnelle, Abū Hanīfa reste à l'écart des joutes de pouvoir de la sphère politique, en dépit de son aversion évidente pour les dynasties dirigeantes de son époque, les Omeyyades[...]
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Écrit par
- Zafar Ishaq ANSARI : ancien professeur d'histoire à l'université du pétrole et des minéraux à Dhahran, Arabie Saoudite
Classification
Autres références
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ḤANAFITE ÉCOLE
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