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MA‘MŪN ABŪ L-‘ABBĀS ‘ABD ALLĀH AL- (786-833) calife ‘abbāside (813-833)

Second fils du calife ‘abbāside Hārūn al-Rachīd et d'une esclave persane, Abū l-‘Abbās ‘Abd Allāh al-Ma‘mun entre dans la vie politique comme gouverneur du Khurasān, nommé par son père. Cette fonction et celle de commandant de la garde lui fournissent un appui déterminant dans la lutte qu'il mène, dès la mort de Hārūn al-Rachīd, contre son frère al-Amīn. Celui-ci vaincu grâce à l'aide du général persan Tāhir ibn al-Husayn, al-Ma‘mūn monte sur le trône. Mais il ne peut pénétrer à Bagdad où son oncle Ibrāhim ibn al-Mahdī prend la tête d'une rébellion, refusant de reconnaître l'autorité d'al-Ma‘mūn et excitant la population arabe de la ville contre ce calife aux sympathies trop marquées pour les Persans.

En mars 817, al-Ma‘mūn choisit ‘Ali al-Ridā, un ‘Alide, pour successeur, espérant ainsi se rallier tous les partisans de la cause ‘alide. Mais al-Ridā meurt en 818. D'autre part, des troubles éclatent en Azerbaïdjan (soulèvement de Bābek) et en Égypte : al-Ma‘mūn quitte Merv, sa résidence, pour l'Irak. Il est devenu, depuis la mort d'al-Ridā, le seul calife possible ; les Bagdadiens retirent leur soutien à Ibrāhim et, par une volte-face, accueillent (août 819) al-Ma‘mūn comme leur souverain légitime. Une rébellion éclate au Khurasān ; le calife y envoie Tāhir. Ce dernier y réussit si bien qu'il se dresse contre son ancien suzerain (822) et, mourant le jour même, lègue à son fils le soin de faire croître la dynastie des Tahirides du Khurasān. La centralisation étatique instaurée par les prédécesseurs d'al-Ma‘mūn s'affaiblit de plus en plus. De constantes rébellions éclatent d'un bout à l'autre de l'empire après 819, qui sont autant de signes avant-coureurs, avec la défection des Tahirides, de la proche atomisation de l'énorme empire ‘abbāside.

À l'extérieur, la lutte contre Byzance a repris. Elle est peut-être due à une alliance de Théophile et de Bābek en Azerbaïdjan. Quoi qu'il en soit, en 830, al-Ma‘mūn, accompagné de son fils al-‘Abbās, marche contre les Byzantins ; al-Ma‘mūn refusant la paix, la campagne se prolonge, jusqu'à sa mort, non loin de Tartus en Anatolie ; le calife a pu nommer al-Mu‘tasim comme successeur. Si, politiquement, le règne d'al-Ma‘mūn est marqué par la perte de territoires, en particulier celui du Khurasān, il n'en est pas moins brillant du point de vue culturel. Fondateur du fameux Bayt al-Hikmā (la Demeure de la sagesse), le septième calife rassemble de nombreux manuscrits syriaques, grecs, pahlevis, arabes, et attire des traducteurs, ouvrant ainsi la pensée arabe aux influences de la philosophie et de la pensée scientifique grecque. Al-Ma‘mūn se range publiquement aux côtés des Mu‘tazilites (proches parents des rationalistes), proclamant en 827 que le Coran est une création et exigeant la même profession de foi de la part de tous les fonctionnaires et officiels du régime. Mais il instaure aussi, en 833, quelques mois avant sa mort, une sorte d'inquisition (mihna) dirigée contres les orthodoxes, qui demeurera jusqu'en 848. En plus du Bayt al-Hikmā, il fonde un observatoire et accorde toute son attention à la grande école de médecine de Djundishapūr. Son règne marque donc d'une part le début d'une lente décadence politique et, de l'autre, le commencement de l'extraordinaire floraison de la pensée spéculative, scientifique et artistique de la littérature arabe.

— Philippe OUANNÈS

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