ABŪ L-‘ATĀHIYA (747 env.-env. 825)
Les poèmes ascétiques
Reste les productions lyriques d'inspiration ascétique. Ce sont, en général, de courtes compositions où les mètres employés sont ceux que préféraient les élégiaques comme al-‘Abbās al-Aḥnaf par exemple. Cette particularité en facilitait la mise en musique, et le Livre des chansons d'Abū l-Faradj̣ ‘Alī al-Iṣfahāni contient de nombreux spécimens de pièces écrites en cette intention. La langue de cette œuvre ascétique est d'une volontaire simplicité ; nulle part ne se rencontrent le gongorisme ni les acrobaties de rhétoriqueur si fréquents chez d'autres poètes du temps, tel Muslim en particulier. Ces pièces offrent souvent des reprises d'une même formule, d'un mot clef et les réminiscences coraniques y sont fréquentes. Visiblement, tout l'art du poète tend à un unique but : toucher et édifier un public simple, populaire, sans goût pour le maniérisme de cour. De là, sans nul doute aussi, cette monotonie qui nous envahit à une lecture d'ensemble. Faut-il toutefois rappeler qu'une telle impression disparaît quand le poème est considéré en soi comme un thème de méditation ?
Dans ses pièces ascétiques, Abū l-‘Atāhiya ne célèbre point l'islām ; il ne chante le prophète Mahomet que d'une manière épisodique ; de même, les dogmes essentiels semblent au poète des vérités si définitivement acquises qu'il paraît superflu d'en faire une confession répétée. Sa visée est à la fois différente et plus profonde ; sous al-Mahdi, cela lui avait valu plus d'une fois d'être inquiété par la police inquisitoriale et, dans ses vers, il avait dû rappeler son indéfectible attachement à la foi révélée. Mais ce n'était là que précautions pour annoncer à son aise ce qu'il se sentait mission de proclamer. Il est le chantre de la vanité de l'être. Il rappelle donc à ceux qui ont des oreilles pour l'entendre et un cœur pour le comprendre que tout ici-bas est évanescence et vanité, que la richesse est un leurre, que le plaisir est sans durée, que la beauté comme la gloire passe, que la sagesse conduit à la pénitence et au refus du monde.
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Écrit par
- Régis BLACHÈRE : professeur à l'université de Paris-I, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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