ACADÉMIE DE FRANCE À ROME
Suscitée par Colbert et par Charles Le Brun, « premier peintre » de Louis XIV, la fondation de l'Académie de France à Rome (1666) découlait d'idées simples et fortes mais qui n'ont plus cours aujourd'hui. Pour les hommes du xviie siècle, les vestiges de l'Antiquité, les chefs-d'œuvre des maîtres de la Renaissance constituaient d'insurpassables modèles : les étudier, les copier, c'était se familiariser avec les règles du Beau. S'ils désiraient parfaire leur formation, les jeunes artistes se devaient donc d'entreprendre le voyage de Rome, une ville de surcroît très propice à la création de par la vitalité de sa colonie artistique et la libéralité de ses mécènes. Loin de constituer une nouveauté, ce pèlerinage était de tradition chez les artistes français depuis plus d'un siècle : bon nombre quittaient même la France nantis de subsides octroyés par le roi, qui s'assurait ainsi en retour les services de talents accomplis. On comprend mieux dès lors certaine coïncidence de dates : en 1668, deux ans après la fondation de l'Académie de France, étaient lancés les grands travaux de Versailles.
Théoriquement recrutés parmi les lauréats du prix annuel institué par l'Académie royale de peinture et de sculpture (l'approbation royale, c'est-à-dire celle du surintendant des Bâtiments, était nécessaire ; au reste, jusqu'à la fin du règne de Louis XV, de nombreuses dérogations furent accordées à des artistes protégés par de grands seigneurs influents dans l'État), les pensionnaires – peintres, sculpteurs et architectes (présents dès l'origine, ceux-ci ne furent admis officiellement qu'en 1721) – étaient soumis à une discipline stricte, fixée par le règlement du 11 février 1666 : leur temps se partageait en principe entre des séances de dessin d'après le modèle vivant, des leçons d'anatomie et de perspective, et, pour le service exclusif du roi, des travaux de copie « d'après l'Antique » et « tous les tableaux qui sont à Rome », ou des relevés des « plans et élévations de tous les beaux palais et édifices tant de Rome que de ses environs » (« Sa Majesté défend absolument à tous ceux qui auront l'honneur d'estre entretenus dans ladite Académie de travailler pour qui que ce soit que pour Sa Majesté »). En réalité, l'observance s'étant très vite relâchée, les « envois » ne furent plus expédiés après 1669, et ce jusqu'au directorat du peintre Vien (1775-1781) qui réorganisa les études et imposa un règlement plus sévère.
Gloire et usure d'une institution
C'est au xviiie siècle, quoi qu'il en soit, que l'Académie de France devait connaître son apogée. Logée à partir de 1725 dans le somptueux palais Mancini à l'entrée du Corso, elle est alors parfaitement intégrée à la « Ville éternelle ». La fécondité du foyer romain, l'importance stratégique qu'il revêt à nouveau au milieu du siècle à la suite des grandes découvertes archéologiques faites en Campanie, les relations étroites que l'Académie de France entretient avec l'Académie romaine de Saint-Luc, institution ouverte aux idées nouvelles, ont certainement contribué à stimuler les travaux des pensionnaires durant toute cette période. Une lignée d'excellents directeurs, bien connus grâce à leur correspondance, publiée, pour les xviie et xviiie siècles, par J. Guiffrey et A. de Montaiglon (1887-1912, 17 vol.), et dont certains exercèrent même, semble-t-il, une influence fondatrice – ainsi le peintre Natoire pour le renouveau du sentiment de la nature, et Vien pour celui de l'inspiration antique – ne pouvaient qu'accentuer ce climat favorable. Dans la liste des pensionnaires depuis la fin du xviie siècle, on retrouve pour ainsi[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Médias
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