ACADÉMIES
L'académie telle qu'elle se développe à partir du Quattrocento italien, dans le grand mouvement de retour à l'Antiquité qui caractérise la Renaissance, est inspirée du modèle grec de l'akademia (le jardin où enseignait Platon). Elle s'épanouit dans toute l'Europe à l'âge classique, pour décliner ensuite à l'époque romantique jusqu'à revêtir une connotation plus souvent péjorative qu'emphatique : « académicien » peut être encore un titre envié par certains, et si même des arts récents, tel le cinéma, se dotent à leur tour de leurs propres académies, l'adjectif « académique » n'en est pas moins devenu, dans les milieux artistiques éclairés, une forme d'invective.
L'« académisme » est, on le sait, un phénomène particulier aux activités culturelles, celles-ci pouvant s'entendre, en l'occurrence, de diverses façons : au sens large (celui de l'anthropologie, qui assimile plus ou moins « culture » et « civilisation »), l'académie est un instrument parmi d'autres de ce processus de « civilisation des mœurs » décrit par l'historien Norbert Elias, et qui touche aussi bien l'élite intellectuelle que l'aristocratie – dont les enfants allaient apprendre le maniement de l'épée, les règles de l'équitation et l'art de la danse dans ce qu'on appelait, justement, des « académies ». Au sens étroit de la familiarité avec les arts tel que l'entend la sociologie, la « culture » des académies fut avant tout celle des arts libéraux, enseignés par ailleurs à l'université et non soumis à rétribution directe (activités littéraires et poétiques, musicales et mathématiques essentiellement) ; elle ne s'étendra que progressivement à certains des arts dits mécaniques, en particulier la peinture qui, paradoxalement, finira par symboliser le lieu par excellence de l'académisme.
Ainsi, en tant qu'elle opère un regroupement plus ou moins formalisé – ne serait-ce que par son titre – de certaines catégories d'activités, l'académie se définit par opposition à d'autres formations collectives : le cercle d'amis ou le salon, dont elle constitue un avatar plus formel ou moins mondain ; l'Université, contre laquelle elle s'est parfois explicitement constituée ; ou encore l'atelier ou la boutique, la corporation ou la manufacture, par rapport auxquels elle affirme sa rupture avec l'univers du « métier » (artisanal ou industrialisé mais, en tout cas, ressortissant du negotium) pour revendiquer l'accès à la « profession », intellectuelle et libérale, autrement dit désintéressée (telle que la pratique ceux qui vivent dans l'oisiveté, l'otium).
On conçoit ainsi l'importance du mouvement académique dans la culture des Temps modernes même si, comme le fait remarquer l'historien Daniel Roche, il ne concerne guère qu'une élite très limitée (de l'ordre de 1 à 5 p. 100 tout au plus de l'ensemble de la population au siècle des Lumières). Il est en tout cas partie prenante de l'histoire de ces lieux universitaires que les Américains désignent encore, justement, du terme academic.
L'expansion européenne de la Renaissance
Avant de se trouver officialisées par une protection princière ou royale, les académies de la Renaissance ne furent à l'origine que des cercles privés ou, selon l'expression de N. Pevsner, des « regroupements informels d'humanistes ». La première à avoir été ainsi recensée fut l'Accademia platonica de Marsile Ficin et Pic de la Mirandole, fondée à Florence en 1462 sous le règne de Laurent le Magnifique. Sur ce même modèle d'une culture à la fois encyclopédique et humanistes, par opposition à la scolastique, se développèrent dans l' Italie[...]
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Écrit par
- Nathalie HEINICH : sociologue, directeur de recherche au C.N.R.S.
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