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ACADÉMIES

L'institutionnalisation de l'âge classique

Les académies royales créées avant ou pendant le règne de Louis XIV avaient en commun le nom et la structure, ainsi qu'une fonction de sociabilité, d'information et de reconnaissance mutuelle, venant d'ajouter au prestige conféré à leurs membres à l'extérieur des académies. Mais, par-delà ces similitudes formelles, d'importantes différences les opposaient dans leur rôle et leur fonctionnement, selon le statut antérieur des disciplines concernées. Un statut « libéral », autrement dit affilié aux arts libéraux (littéraires, avec le Trivium, ou scientifique, avec le Quadrivium), impliquait un exercice peu ou pas professionnalisé (service du roi, salons, cercles privés), auquel l'académisation apportait essentiellement une légitimation des pratiques extra-universitaires et, par là même, extrascolastiques : par exemple, la défense de la langue vulgaire ou, dans le cas de la science, le recours à l'expérimentation et à une certaine spécialisation. En revanche, lorsque le statut antérieur était – comme dans le cas de la peinture et de la sculpture et, dans une moindre mesure, de l'architecture – du ressort des arts mécaniques, donc des corporations, l'académie représentait avant tout un instrument d'intellectualisation et de « libéralisation », donc de promotion sociale, de ces arts et de leurs représentants. On va le voir avec les trois cas les plus significatifs à cet égard : celui de l'Académie française, de l'Académie des sciences et de l'Académie de peinture et de sculpture.

Première non seulement par sa date de fondation, mais aussi par son impact, l'Académie française fut créée en 1635 avec la protection de Richelieu, comme une « compagnie de personnes libres et détachées de l'obligation d'instruire le public, qui voulussent joindre ensemble leur étude et leur travail », selon la définition de l'abbé d'Aubignac en 1663. Instrument, donc, d'autonomisation par rapport à l'Université et, dans une certaine mesure, à l'égard des mécènes, elle constituait également un moyen de distinction vis-à-vis des « doctes » et de « toutes sortes d'esprits qui ne sont pas propres à cet exercice » comme les gens du peuple, les gens de robe, les gens d'Église ou les gens de Cour qui défigurent la langue, de sorte que les académiciens doivent la « nettoyer des ordures qu'elle a contractées » (« Projet de l'Académie pour servir de préface à ses statuts » de Nicolas Faret en 1635). Cette fonction d'expertise se concrétisera par le projet, longtemps retardé, d'établissement d'un dictionnaire. L'Académie française aura également en propre l'instauration immédiate d'un numerus clausus, ainsi qu'un haut degré de ritualisation (port de l'uniforme, rituels d'intronisation).

Fondée en 1666, l'Académie des sciences eut, pour sa part, deux origines distinctes : la première, issue du pouvoir politique (Colbert et son conseiller Charles Perrault), consistait en un projet éclectique d'« académie générale » rassemblant toutes les disciplines, et où l'on aurait également pu traiter de droit, de politique, de théologie ; la seconde, issue du milieu savant et, notamment, de l'académie de Montmort, préconisait une « compagnie » spécialisée dans les matières spécifiquement scientifiques – l'astrologie et l'alchimie en étant explicitement exclues. Cette seconde formule s'imposa très vite, non pas tant d'ailleurs sous la pression des savants qu'en raison de l'hostilité des institutions concurrentes, la Sorbonne et l'Académie française ainsi que la toute récente « Petite Académie » qui en était issue, chargée notamment de l'établissement des devises royales.[...]

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