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ACADÉMIES

L'effet académique

Cet impératif d'innovation apparaîtra-t-il à la postérité comme une autre forme d'académisme ? Il est trop tôt pour en juger, mais il est certain que le phénomène académique (au sens strict qu'il revêtait du temps de son triomphe, et non pas sous la forme négative, péjorative, qui tend à lui être assignée depuis lors) renvoie à un ensemble de caractéristiques tout à fait spécifique.

Il s'agit, tout d'abord, d'un effet d'institution, à travers une formalisation à plusieurs niveaux : formalisation juridique (confirmation par lettres patentes ; privilèges tels que l'exemption du service militaire ou de certaines taxes ; tenue de registres, comptes rendus, procès verbaux) ; formalisation politique, à travers la signature du roi et l'engagement de l'État, attestant la reconnaissance de l'utilité publique de l'académie, ainsi distinguée d'une académie privée ; formalisation, enfin, au niveau de la pratique, par la fixation d'un mode de fonctionnement (le règlement), d'un lieu et de dates régulières de réunion.

Un autre effet spécifique du phénomène académique est l'« effet de corps » : le regroupement des pairs, par un processus de dé-singularisation, autorise la formation d'une identité collective fondée sur l'exercice d'une activité donnée et sur l'universalisation des intérêts. Cette identité collective (dont la première concrétisation est le choix du nom de l'académie) se soutient d'un double processus d'identification ou d'assimilation entre semblables, et de distinction ou de différenciation vis-à-vis des profanes.

Autant dire que toute académie est, foncièrement, un processus élitaire, un instrument de sélection et de regroupement des « meilleurs » (selon les critères en vigueur). Ainsi, on ne s'étonnera pas d'y trouver à l'œuvre divers principes de sélection, tel le sexe : les femmes étant soit exclues, comme ce fut le cas durant trois siècles et demi de l'Académie française, soit admises en nombre très limité par un numerus clausus (elles se comptaient sur les doigts d'une main dans l'Académie de peinture au xviiie siècle, et encore presque uniquement dans les genres réputés mineurs tels que la nature morte). Mais il convient de remarquer, avant tout, que le principe de sélection était, pour la première fois dans l'histoire, proprement culturel. En effet, mis à part le cas de quelques « honoraires » admis pour leur nom ou leurs bonnes œuvres au moins autant que pour la qualité de leurs ouvrages, l'académie a ceci de particulier qu'elle ne sélectionne et ne rassemble ni des noms (privilège de la noblesse), ni des fortunes (privilèges de certaines couches de l'aristocratie ou de la bourgeoisie), ni même des diplômes (l'Université y pourvoit) – mais cette qualité, purement individuelle et relativement impondérable en l'absence des critères formalisés et universellement reconnus, qu'on appelle le talent (qu'il soit fondé sur le travail et l'étude, comme on tendra à le supposer à l'âge classique, ou sur un don inné, comme on voudra le croire à partir de l'époque romantique). Toujours est-il que l'effet de distinction ou, si l'on préfère, de prestige, propre à l'académie, opère dans un univers à la fois intellectualisé et désintéressé (les académiciens ne sont pas directement rémunérés, si l'on excepte les « jetons de présence » distribués à certaines époques dans les séances de l'Académie française pour assurer un minimum de présence, nécessaire à l'avancement du dictionnaire) qui est celui des professions qu'on appelle aujourd'hui « culturelles ».

Deux remarques s'imposent pour finir. La première tient à ce qu'on pourrait[...]

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