ACADÉMISME
La formation de la théorie académique
Une théorie humaniste de l'art fut inventée ou exprimée pour la première fois, avec une clarté remarquable, par Leon Battista Alberti dans son traité Della pittura, écrit aux alentours de 1435. Comme aucune théorie antique de l'art, susceptible de servir de modèle, n'avait survécu, l'humaniste Alberti appliqua la théorie antique de la littérature à l'art. Le but de la peinture, comme celui de la poésie, était de procurer enseignement et plaisir, mais l'enseignement venait d'abord. On demandait aux peintres de choisir des scènes ou thèmes d'un contenu moral élevé, comparables à ceux que des poètes et rhéteurs utiliseraient. Comme le rhéteur, qui devait remuer son auditoire, l'artiste devait faire ressentir à son public les émotions exprimées par les personnages de ses tableaux.
Suivant la méthode des manuels de rhétorique, Alberti divisa son thème, la peinture, en trois parties. La première avait trait à la compositione, ce qui ne voulait pas dire, comme de nos jours, l'arrangement des masses et des lignes à la surface, mais, comme dans la théorie rhétorique, le développement de la narration sous son aspect le plus logique, le plus naturel. Dans ce champ conceptuel, l'histoire et sa présentation, sous forme visuelle, sont inséparables, synonymes. Ainsi, le choix du thème et sa représentation mentale sont la préoccupation fondamentale de l'artiste.
La seconde partie de la peinture est la conscrittione c'est-à-dire le dessin. En discutant cette question, Alberti donnait la première explication des lois de la perspective linéaire qui nous soit parvenue. La dernière partie, ricevere di lumi, ou couleur, est regardée comme un apport utile au dessin, l'addition finale qui doit donner la vérité au tableau.
La division d'Alberti demeure le fondement de la théorie de l'art et de l'enseignement académique, même après que Lessing aura séparé les théories poétiques et artistiques dans son Laocoon (1766). On sentait que la composition était trop personnelle pour qu'elle pût être enseignée, on laissait à l'étudiant le soin de l'étudier chez d'autres maîtres. La couleur avait presque toujours été la partie la plus faible, la plus négligée de la formation académique. Mais tout ce qui avait trait au dessin – perspective, proportion, anatomie, mouvement, draperie, cadre, décor, etc. – pouvait se réduire à des règles et techniques. En fait, durant des siècles, la plupart des académies furent simplement des écoles de dessin.
La vraisemblance qu'Alberti demandait pour convaincre l'œil, devait toujours être une ressemblance idéale de la nature. On étudiait la nature, mais, au lieu de la copier telle qu'elle était, on en choisissait le meilleur aspect pour former – dans son esprit ou sur la toile – une nature idéale, la « belle nature », comme on en vint à l'appeler. Les maîtres de l'Antiquité avaient atteint cette fin de présenter une nature perfectionnée, et leurs œuvres pouvaient guider les élèves. Aussi, dessinaient-ils alternativement d'après le nu, et d'après des moulages de l'antique, et cela jusqu'à une époque récente.
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Écrit par
- Gerald M. ACKERMAN : professeur, Art Department, Pomona College, Claremont, Californie
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