ACADÉMISME
Une théorie universelle de l'art
Les divisions d'Alberti dérivaient d'une ancienne méthode descriptive, appelée définition et division. Cette méthode aidait l'auteur à être ou à paraître complet, et le disciplinait à ne traiter qu'une question à la fois. Au Moyen Âge, cette méthode survécut dans la mesure où elle pouvait faciliter l'acquisition de techniques, et il existait des manuels – ars ou « art » – qui réduisaient le sujet à des lois et préceptes facilement appris. Certains humanistes de la Renaissance – malgré la nature aprioristique de la définition initiale – utilisèrent la méthode comme un instrument de description scientifique. Ce qui peut nous paraître un malentendu était la conséquence logique de la croyance chrétienne à la subordination divine de l'univers. Toute chose ou question devait seulement être correctement située dans le plan divin (interprété comme un système hiérarchique néo-platonicien ou lulliste) pour être comprise.
Le premier ars de peinture complète le Trattato dell'arte della pittura de Gian Paolo Lomazzo, publié à Milan, en 1584, élargit le cadre apologétique d'Alberti, et insère la peinture dans la cosmologie chrétienne.
Lomazzo glorifie l'activité intellectuelle du peintre. Pour lui, concevoir un tableau historique est analogue à un exercice de contemplation : après la lecture et l'étude, le peintre s'isolait, de préférence dans l'obscurité. Il se concentrait alors sur son sujet jusqu'à ce qu'il pût voir le tableau dans sa tête. À partir de cette idée, il passait rapidement au « croquis de l'idée », qui le guidait, à travers des études consécutives (d'anatomie, de mouvement, d'expression, de costume, de perspective, etc.), jusqu'à ce que son œuvre fût finie. Ainsi, Lomazzo sanctifie pratiquement ce qui n'avait été qu'une routine d'atelier, et formule la routine académique – et son vocabulaire – pour les siècles futurs. Le programme académique enseignait les techniques de dessin nécessaires pour transformer le disegno interno en un disegno esterno. Les lois de l'exécution, et la facilité de l'artiste à les suivre, l'aident à objectiver son idée dans son intégrité, sans perdre aucune fraîcheur. Mais, en tant qu'artiste, son acte le plus important, c'est la formation de l'idée dans son imagination.
Pendant deux ou trois siècles, presque toute la pensée académique, lois et procédés, put s'insérer quelque part dans le cadre du traité de Lomazzo, soit comme accomplissement, correction ou remplacement, mais on ne pouvait mettre en question le cadre lui-même sans que le rôle de Dieu dans l'univers le fût aussi. Quand la pensée académique devint dogmatique, on réduisit les choses à des règles absolues, elle le fut rationnellement à l'intérieur de ce cadre. Nous ne pouvons pas admirer les résultats, nous pouvons tout au moins en comprendre la genèse. Nous ne devons pas oublier avec quelle finesse et bonheur ce système théorique fut développé par Roger de Piles et mis en ordre.
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Écrit par
- Gerald M. ACKERMAN : professeur, Art Department, Pomona College, Claremont, Californie
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Médias
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