ACCÉLÉRATEURS DE PARTICULES
Les modèles et théories qui synthétisent notre compréhension actuelle de la matière et de ses constituants élémentaires – molécules, atomes, particules – ont été confrontés à une multitude d'observations expérimentales. Pour réaliser ces expériences, c'est-à-dire observer l'infiniment petit, on utilise des sondes appropriées capables de pénétrer la matière et d'interagir avec sa structure ultime ; ces sondes sont appelées des accélérateurs, et quoi de plus logique que de bombarder la matière avec les objets les plus petits qui soient : des particules ?
Prémices et avancées techniques
Les premières expériences suivirent la découverte de la radioactivité naturelle, qui permit de disposer de sources de particules de faible vitesse : particules α ou noyaux d'hélium (rayonnement α) et électrons (rayonnement β). La physique nucléaire expérimentale démarra avec l'étude des effets de ces rayonnements sur les noyaux atomiques. Très vite, on éprouva le besoin de changer les paramètres des expériences, donc de disposer de faisceaux plus intenses, mieux focalisés, et surtout réglables en énergie. L'unité élémentaire de mesure pour cette dernière est l'électronvolt (1 eV = 1,602 × 10—19 J), ainsi que ses multiples (keV, MeV, GeV, TeV, etc.). L'idée de construire des accélérateurs, c'est-à-dire de créer un faisceau de particules puis de l'accélérer, était née. Ces machines se sont donc développées pour les besoins de la recherche fondamentale en physique nucléaire.
Historiquement, le premier « accélérateur » est le tube de Crookes, inventé dès 1895. Une ampoule de verre dans laquelle on a fait le vide contient une cathode chauffée (source thermo-ionique d'électrons). En face d'elle, une plaque de métal anode, portée à un potentiel positif, attire les électrons qui la frappent et lui font émettre des rayons X (fig. 1).
Toutefois, l'histoire des accélérateurs commence réellement en 1930, avec les premiers appareils électrostatiques (fig. 2). Une série d'inventions techniques permet de repousser les limitations inhérentes à l'utilisation de hautes tensions et d'atteindre le mégaélectronvolt.
Ainsi, les deux physiciens britanniques John Douglas Cockcroft et Ernest Thomas Sinton Walton obtiennent en 1932 la première désintégration atomique provoquée par des particules artificiellement accélérées. Les protons issus d'une source à ions sont accélérés à l'intérieur d'un tube isolant sous vide dont le sommet, où se trouve la source, est porté à un potentiel de 700 kV par rapport au sol. Arrivés en bas, les protons ont acquis une énergie de 700 keV suffisante pour transmuter du 7 Li en deux noyaux d'hélium.
Dans le montage d'origine, la haute tension est obtenue en redressant une tension alternative et en l'amplifiant par une série de condensateurs. Il existe de nombreux générateurs Cockcroft-Walton auprès des accélérateurs. Ils ne sont plus utilisés pour faire des expériences de physique mais plutôt pour préaccélérer le faisceau de particules, qui est repris ensuite par les autres étages de l'accélérateur. Les plus puissants Cockcroft-Walton montent jusqu'à environ 2 MV.
Dans un premier temps, la Seconde Guerre mondiale freine l'effort entrepris. En revanche, elle donne une justification supplémentaire à la physique nucléaire dont les progrès sont essentiels pour la maîtrise de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques ou militaires. De plus, la guerre a entraîné des investissements technologiques très importants, en particulier dans le domaine des sources radiofréquences de puissance (radars) qui vont être à l'origine du développement des accélérateurs linéaires à 200 et 3 000 mégahertz. Vers 1950, la course à la haute énergie reprend avec les premières machines circulaires[...]
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Écrit par
- Michel CROZON : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Jean-Louis LACLARE : directeur de l'E.S.R.F. (European Synchroton Radiation Facility)
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Médias