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ACÉPHALE, revue

Avant d'être une revue (Religion, Sociologie, Philosophie, cinq livraisons de juin 1936 à juin 1939), Acéphale voulut être une expérience, la recherche d'un mode de vie exemplaire fondé sur la méditation, le rituel et l'extase. Georges Bataille, le maître d'œuvre — avec Georges Ambrosino et Pierre Klossowski — de cette aventure spirituelle, entend situer sa quête au-delà de la pensée, de l'esthétique ou de l'action politique. Radicalement écœuré par le stalinisme ou la démocratie bien-pensante, ainsi que par les fascismes montants, non moins rebuté par l'exercice de l'art ou de la philosophie appliquée, Bataille déplace les enjeux du côté du sacré, du religieux, au nom d'un mysticisme explicitement athée, mais non sans l'ambition de constituer une véritable église.

La part visible, puisque imprimée, d'Acéphale (qu'en est-il exactement de la part vécue, car Acéphale fut aussi une société secrète ? Aujourd'hui encore, on ne sait trop quels rites y furent effectivement pratiqués) tient en quelques pages de revue, témoignant de la « guerre » déclarée : « Ce que nous entreprenons est une guerre [...]. Il est temps d'abandonner le monde des civilisés et sa lumière. Il est trop tard pour tenir à être raisonnable et instruit — ce qui a mené à une vie sans attrait. Secrètement ou non, il est nécessaire de devenir tout autres ou de cesser d'être. » Devenir tout autres, c'est connaître l'extase, concept opposé à celui d'analyse, à la raison raisonnante et cérébrale. La rationalisation de la vie sociale est un esclavage : il faut que l'homme « échappe à sa tête ». Bien sûr, cette « acéphalité » n'a que peu à voir avec une vulgaire libération des instincts. Et si Nietzsche est à plusieurs reprises convoqué, c'est surtout au nom d'un retournement positif de toute négativité. La silhouette acéphale dessinée par André Masson pour la revue est un athlète énergique et volcanique, chimère dionysiaque, sorte d'homme de Vitruve dont le centre serait décalé vers le sexe que figure une tête de mort.

Acéphale publie un dossier « Réparation à Nietzsche », réaction contre l'annexion de Nietzsche par les nazis avec la complicité de sa sœur Elisabeth Foerster, puis un numéro consacré au mythe de Dionysos, excellent témoignage d'un ordre social qui choisit de se centrer sur les « turbulences souveraines » (Roger Caillois), le sexe et la mort, au lieu de les repousser à ses confins.

On trouve dans la revue Acéphale les noms de Pierre Klossowski, Georges Ambrosino, Jean Rollin, Jean Wahl, Jules Monnerot ou Roger Caillois qui, pour la plupart d'entre eux, seront aux côtés de Bataille lors de la fondation du Collège de sociologie (1937). Acéphale publiera, dans son numéro 3-4, une « Note sur la fondation d'un Collège de sociologie ».

— Jacques JOUET

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Autres références

  • BATAILLE GEORGES (1897-1962)

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    Suit alors la création d'Acéphale (religion, sociologie, philosophie), dont le deuxième numéro s'emploie à une « réparation » de Nietzsche, en réponse à sa récupération par les nazis. André Masson et Pierre Klossowski tiendront une part importante dans cette revue. L'utopie fusionnelle...