ACHÉENS
À la suite d'Homère, l'histoire traditionnelle donne le nom d'Achéens aux premiers Hellènes. S'accordant avec Schliemann sur la « réalité historique » des textes homériques, elle les a pris pour base de toute étude sur le monde achéen.
Ce point de vue est aujourd'hui dépassé. À partir de 1939, d'importantes découvertes archéologiques, à Cnossos, Pylos, Tirynthe, Argos, Athènes, Orchomène en Béotie nous ont livré par milliers, après les tombes, les palais, les maisons et les vases, des tablettes en dialecte achéen, dit « linéaire B » ; en 1952, leur déchiffrement, par Ventris et Chadwick, est venu bouleverser notre maigre savoir. Mais l'archéologie est loin d'avoir dévoilé tous les mystères du monde achéen. De plus, les tablettes, pour précieuses qu'elles soient, ne permettent pas d'écrire l'histoire. En effet, elles ne relatent pas d'événements ; elles ne sont que des listes de chiffres ou de noms, et doivent être interprétées. Si la lumière se fait peu à peu, elle demeure très précaire ; et les « certitudes » d'aujourd'hui peuvent être anéanties demain par des découvertes et des progrès nouveaux. Des comparaisons avec les inscriptions égyptiennes et hittites contemporaines, avec les tablettes d'Ugarit et d'Alalakh autorisent quelques « affirmations » positives ; toutefois, de graves problèmes demeurent sans solution.
Monde mycénien et monde homérique
D'abord, celui des rapports entre le monde mycénien et le monde homérique. Peut-on utiliser Homère pour étudier les Achéens ? L'important ouvrage de Wace et Stubbings, A Companion to Homer (1963), a posé encore une fois ce problème et, encore une fois, l'a laissé sans solution. Deux tendances partagent les historiens : l'une, où dominent les Anglo-Saxons, admet, avec Schliemann, une certaine « réalité historique » d'Homère, dont elle croit trouver confirmation dans l'archéologie : « Il y a beaucoup de Mycénien dans Homère » (Wace) ; mais elle se heurte à des adversaires résolus, avec l'école française, à laquelle se rallient quelques historiens américains. Pour eux, Homère n'est pas un « guide » du monde achéen. Il ne faut pas utiliser les textes homériques « avec prudence », il ne faut pas les utiliser « du tout ». Ces textes sont fondés, de l'aveu même de Wace, sur une tradition purement orale : l'écriture, après le passage des Doriens, a disparu pendant quatre siècles pour reparaître à la fin du ixe siècle avant J.-C. Aussi sont-ils séparés du monde mycénien par le « hiatus » que constitue la période la plus obscure de l'histoire grecque et leur confrontation avec les données archéologiques prouve, en outre, qu'ils sont très éloignés de la vérité et souvent pleins d'erreurs. D'autre part, le déchiffrement du linéaire B a montré, selon l'Américain Finley, que le monde mycénien, profondément différent du monde homérique, avait à la fois une civilisation matérielle moins avancée et des institutions beaucoup plus complexes. Ces historiens soulignent quelques « erreurs » homériques. Dans Homère, les coutumes funéraires reposent sur l'incinération : rien de tel à Mycènes ou à Pylos, par exemple, où l'inhumation est la règle. Certes, quelques objets décrits dans Homère se sont retrouvés dans les tombes mycéniennes, comme le casque orné de dents de sanglier ; mais l'épée mycénienne est une arme d'estoc, l'épée d'Homère une arme de taille ; le vêtement féminin décrit par le poète n'existe pas sur les documents achéens : le vase des guerriers est une illustre exception à cette loi. A-t-on, d'autre part, le droit d'affirmer que la religion homérique dérive de la religion mycénienne parce qu'elle comporte des ressemblances avec elle, comme, du reste, avec la religion minoenne[...]
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Écrit par
- Andrée POUGET : agrégée de l'Université
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