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ACMÉISME

Du grec akmé, floraison, perfection. Mouvement poétique russe qui réunit en 1912-1914 à Saint-Pétersbourg six poètes : N. Goumilev, sa femme A. Akhmatova, S. Gorodetski, O. Mandelstam, V. Narbout et M. Zenkevitch. En novembre 1911, Goumilev organise les jeunes poètes, qui veulent rejeter la tutelle du poète symboliste V. Ivanov en une Corporation des poètes, qui aura sa maison d'édition, sa revue, ses réunions sérieuses et ses soirées au cabaret Le Chien errant. Puis les membres les plus hardis de la Corporation prennent le nom d'« acméistes » et ouvrent les hostilités contre le mysticisme des symbolistes. Il y aura trois manifestes acméistes : ceux de Goumilev et de Gorodetski publiés en janvier 1913 dans le numéro 1 de la revue Apollon, et le troisième, Le Matin de l'acméisme (Utro Akmeizma), de Mandelstam, qui ne parut qu'en 1919.

Pour les acméistes, l'œuvre d'art appartient tout entière au monde sensible qu'il faut aimer et dont il faut aimer surtout la merveilleuse existence : existence de l'être humain et des réalités de son cœur (Akhmatova), des monuments de la culture universelle, des villes et des cathédrales (Mandelstam), des plantes, des fleurs et des animaux sauvages, des vaillants explorateurs (Goumilev), des forces de la nature (Gorodetski). Ce dernier aurait préféré que le mouvement soit appelé adamisme. Mandelstam contribue à placer le mot au centre de la poétique acméiste : mot-image, mot-son, mot-signification. Les idées acméistes ont été développées dans les « Lettres sur la poésie russe » de N. Goumilev, parues dans la revue Apollon de 1911 à 1914, dans son article « Anatomie du poème » (1921), ainsi que dans une série d'articles de Mandelstam écrits dans les années vingt et rassemblés en un recueil en 1928.

L'acméisme est une révolution du goût : contre le goût germanique des symbolistes, il défend le goût français de la beauté, la clarté latine, le courage britannique. La contre-attaque symboliste, la concurrence bruyante des futuristes provoquent une crise à la Corporation des poètes, dont Akhmatova et Mandelstam proposent la dissolution en décembre 1913. En 1914, Goumilev part au front ; il revient pendant l'été 1918 à Petrograd et organise — sans la participation des autres acméistes — la seconde Corporation des poètes (avec Ivanov, G. Adamovitch, N. Otsoup). Il dirige également sous les auspices de Gorki une école pour les jeunes poètes, La Conque sonore (I. Odoïevtseva, N. Berberova). Mais il est fusillé en août 1921 et sa mort sonne également le glas du mouvement : c'est en vain que Narbout propose à Mandelstam de créer avec I. Babel un nouvel acméisme, en vain qu'en 1926 Gorodetski tente de faire vivre une Corporation des poètes moscovites ; bien accueilli en 1914 par la critique marxiste sociologisante, l'acméisme est dénoncé après la révolution comme « littérature de la noblesse et des propriétaires fonciers ». Il faut à Mandelstam un certain courage pour déclarer en 1937 : « Je ne désavoue ni les vivants ni les morts » et pour définir l'acméisme comme « la nostalgie de la culture universelle ». La campagne de dénigrement atteint son comble en 1945 avec le rapport Jdanov. Depuis 1956, on assiste à une réévaluation de l'acméisme qui n'affecte cependant ni l'enseignement secondaire ni le lecteur moyen.

— Claude KASTLER

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Grenoble

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Autres références

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    ...apparences sensibles. Cependant, une nouvelle génération, apparue vers 1910, considère cette soumission de la poésie à la mystique comme une trahison. Pour les « acméistes », Nicolas Goumiliov (Gumilëv, 1886-1921), Anna Akhmatova (Ahmatova, 1889-1966), Ossip Mandelstam (Mandel'štam, 1891-1938), comme...