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ACTE DE GOUVERNEMENT

Certaines décisions de l'exécutif échappent à tout recours devant quelque juridiction que ce soit et constituent cette catégorie très particulière d'actes de l'autorité publique qu'on appelle « actes de gouvernement ».

L'immunité juridictionnelle de ces actes est totale : elle concerne à la fois le contentieux de la légalité et celui de la responsabilité. La théorie des actes de gouvernement ne repose sur aucun texte ; elle a son origine dans la jurisprudence du Conseil d'État. Les auteurs considèrent généralement cette théorie comme une anomalie dans la compétence du juge administratif ; elle serait le dernier vestige de la raison d'État. Le Conseil d'État, au cours du xixe siècle, lorsqu'il a entrepris de soumettre l'administration au droit, a dû faire « la part du feu » (Hauriou) et renoncer à contrôler les actes pris pour des motifs politiques. Le critère du mobile politique fut invoqué de façon abusive par le gouvernement, en particulier sous le second Empire, et abandonné en 1875 par le Conseil d'État. Ce critère, contestable mais commode pour caractériser l'acte de gouvernement, n'a pas été remplacé. Depuis un siècle, la doctrine se contente d'enregistrer les actes de gouvernement sur une liste qui s'est progressivement rétrécie pour ne plus comprendre aujourd'hui que deux séries de mesures.

La première catégorie, assez bien délimitée, concerne les actes pris par l'exécutif dans ses rapports avec le Parlement : décret de clôture des sessions ou de dissolution, décision de recourir à l'article 16 de la Constitution de 1958, décision de déposer ou de retirer un projet de loi, décret soumettant un projet de loi à référendum. La deuxième catégorie d'actes de gouvernement, plus délicate à circonscrire, concerne les actes pris par l'exécutif dans ses rapports avec un État étranger ou une organisation internationale : protection des personnes et des biens à l'étranger, refus de soumettre un litige à une juridiction internationale, extension de la souveraineté française sur les eaux territoriales. Le juge administratif refuse traditionnellement de connaître des actes relatifs à la conclusion et à l'interprétation des traités, mais il accepte depuis longtemps de connaître des actes qu'il estime détachables des relations diplomatiques ou des conventions internationales (ainsi des décrets d'extradition). Un nouveau pas est franchi lorsque le Conseil d'État abandonne en 1990 le renvoi préjudiciel pour interprétation du ministre et reconnaît au juge administratif compétence pour interpréter lui-même les traités.

À l'encontre d'une partie de la doctrine qui conteste l'existence des actes de gouvernement en tant que catégorie juridique distincte de celle des actes administratifs, le Conseil d'État a réaffirmé expressément que certaines décisions de l'exécutif étaient soustraites à tout contrôle juridictionnel. La juridiction administrative a opéré, cependant, un remarquable revirement de jurisprudence en admettant en 1966 la recevabilité des recours en indemnité pour les conséquences dommageables des actes de gouvernement. La persistance des actes de gouvernement dans la jurisprudence a conduit certains auteurs à tenter de donner une explication juridique, et non plus politique, de leur immunité juridictionnelle : celle-ci résulterait soit de l'application des règles de répartition des compétences entre les tribunaux français, soit du rattachement des actes de gouvernement à une fonction gouvernementale distincte de la fonction administrative, seule susceptible d'être contrôlée par le juge.

— F. LAMOUREUX

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  • ADMINISTRATION - Les juridictions administratives françaises

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    ...français par les troupes alliées). Certains actes du pouvoir exécutif, que l'on continue encore de nos jours à désigner sous l'appellation obsolète d'«  actes de gouvernement », échappent également au juge administratif. Ils regroupent en fait deux catégories d'actes différents : les actes de l'exécutif...