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ACTE, philosophie

Acte signifie « réalité vive, terminée ». Cette signification, féconde dans le domaine juridique, fait appel à une structure métaphysique venue de l'aristotélisme. Mais avant d'examiner cette source et la tradition qui en est née, il convient de distinguer, sans les séparer, l'acte et l'action. Bien qu'on ne mette pas spontanément de grandes différences entre ces deux termes, nous proposons celle-ci : l'action renvoie à l'opération (c'est-à-dire aux dispositions subjectives et instrumentales), l'acte aux résultats de l'action repérables dans le monde. Il va de soi que ces deux aspects, intérieur (action) et extérieur (acte), s'appellent mutuellement.

La tradition aristotélicienne

Le terme « acte » reprend le latin actus, qui traduit deux termes d'Aristote : energeia (« qui est en plein travail ») et entelecheia (« qui séjourne dans sa fin »). Ces deux mots du vocabulaire aristotélicien sont souvent confondus par les traducteurs, mais déjà parfois par Aristote lui-même. L'analyse du mouvement en trois temps permet cependant de les distinguer ; la fin du mouvement s'appelle entelecheia ; le mouvement considéré en son déploiement est energeia ; quant à l'origine du mouvement, elle est en « puissance » (dunamis), c'est-à-dire susceptible de passer et de s'accomplir en sa fin grâce au travail. La fin est donc un achèvement rendu possible par le mouvement énergique accordé à la puissance. Cet ensemble catégorial semble structurer tout mouvement ; en fait, il ne vaut que si on le comprend préalablement comme tendu vers une plénitude manquante, l'entelecheia ; un mouvement indéfini ou circulaire ne peut pas être entendu à l'aide de ces catégories.

Si l'acte dit l'être réel achevé dans notre monde changeant, et en cela identifié à l'entéléchie, l'action, qui est un manque, est nécessairement prédéterminée par cet accomplissement ; nous devons dès lors concevoir le réel comme un système de données déjà toutes réalisées a priori. Si par contre l'être réel s'identifie à ce qui se « passe » dans le monde grâce au « travail », si l'acte est « énergie », l'entéléchie devient un pur idéal fort bien adapté aux conditions de nos actes humains, tout orientés vers un terme à soumettre à des critères de validité qui relèvent plus de la prudence que d'un savoir entièrement assuré de soi.

En fait, la distinction entre acte et action ne saurait être entendue comme une séparation, mais bien comme une relation mutuelle de deux pôles qui s'appellent dialectiquement. L'action se déploie dans le temps, mais elle se vouerait à une simple succession d'instants si elle n'aboutissait jamais en un acte. À l'ouverture de l'action qu'anime une attente correspond un acte qui comble le manque ; l'espoir de l'acte anime l'attente et dessine la fin de l'action. La tradition aristotélicienne parle cependant d'un acte pur, qui serait Dieu. Or on ne peut pas penser que, par exemple pour Thomas d'Aquin, Dieu soit « fini », une fin qui mette terme à un travail qui y tendrait à partir d'un manque. Pour Aristote d'ailleurs, Dieu est « énergie » plutôt qu'« entéléchie », car pensée de la pensée, ou identité des pensées au penser, ce qu'il précise en parlant de vie (zôè), c'est-à-dire d'une action que ne détermine aucune fin définitive. L'actus purus divin, selon Thomas d'Aquin, est semblablement une action intérieure, celle d'une intelligence qui se pense activement elle-même et qui, se pensant elle-même, « travaille » et en cela s'accomplit en acte.

La réalité, dès lors, n'est plus à concevoir uniquement comme une entéléchie dont le modèle serait le point final d'un[...]

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Écrit par

  • : professeur ordinaire à l'Université grégorienne, Rome

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