ACTES DE LANGAGE
L'expression « acte de langage » traduit l'anglais speech act. Cette notion a été développée dans la seconde moitié du xxe siècle par les philosophes dits de l'école d'Oxford, tenants d'un courant également connu sous le nom de « philosophie du langage ordinaire ».
« Quand dire, c'est faire »
On considère généralement que la théorie des actes de langage est née avec la publication posthume en 1962 d'un recueil de conférences données en 1955 par John Austin, How to do Things with Words. Le titre français de cet ouvrage, Quand dire, c'est faire (1970), illustre parfaitement l'objectif de cette théorie : il s'agit en effet de prendre le contre-pied des approches logiques du langage et de s'intéresser aux nombreux énoncés qui, tels les questions ou les ordres, échappent à la problématique du vrai et du faux. Dire « Est-ce que tu viens ? » ou « Viens ! » conduit à accomplir, à travers cette énonciation, un certain type d'acte en direction de l'interlocuteur (en lui posant une question ou en lui donnant un ordre).
Les énoncés auxquels Austin s'est intéressé en tout premier lieu sont les énoncés dits performatifs. Un énoncé performatif, par le seul fait de son énonciation, permet d'accomplir l'action concernée : il suffit à un président de séance de dire « Je déclare la séance ouverte » pour ouvrir effectivement la séance. L'énoncé performatif s'oppose donc à l'énoncé constatif qui décrit simplement une action dont l'exécution est, par ailleurs, indépendante de l'énonciation : dire « J'ouvre la fenêtre » ne réalise pas, ipso facto, l'ouverture de la fenêtre, mais décrit une action. L'énoncé performatif est donc à la fois manifestation linguistique et acte de réalité.
Les exemples d'énoncés performatifs sont nombreux : « Je jure de dire la vérité », « Je te baptise », « Je parie sur ce cheval », « Je t'ordonne de sortir », « Je vous promets de venir », etc. Dans le détail, l'identification et la caractérisation des énoncés performatifs se heurte à un certain nombre de difficultés. D'une part, les performatifs ne sont tels que dans des circonstances précises, car ils doivent répondre à des conditions de « succès » : seul le président devant l'assemblée réunie peut dire avec effet « Je déclare la séance ouverte », ou le prêtre dans l'église « Je te baptise ». D'autre part, seules certaines formes linguistiques particulières permettent de construire des énoncés performatifs : le verbe doit être à la première personne et au présent (« Il promet de venir » ou « J'ai promis de venir » ne sont pas des performatifs réalisant une promesse, mais des constatifs décrivant une promesse). Pour autant, la frontière entre énoncés performatifs et énoncés constatifs reste incertaine. Si les verbes de parole (ou verbes « délocutifs », comme promettre, permettre, ordonner, conseiller, accepter, refuser, maudire, protester, jurer, etc.) paraissent prototypiques pour la construction d'un énoncé performatif, leur présence n'est pourtant ni nécessaire (baptiser n'est pas un verbe de parole) ni suffisante (mentir, injurier ou insulter, bien que verbes de parole, ne permettent pas d'exprimer un performatif). Par ailleurs, à côté des performatifs explicites, force est de reconnaître, à la suite d'Austin, l'existence de performatifs « masqués » (comme « La séance est ouverte »), d'énoncés mixtes performatifs-constatifs (comme « Je vous remercie ») ou encore de performatifs implicites (comme l'impératif « Viens ! » qui équivaut au performatif explicite « Je t'ordonne de venir »).
Le programme tracé par Austin dans son ouvrage est beaucoup plus large que la[...]
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Écrit par
- Catherine FUCHS : directrice de recherche émérite au CNRS
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