ACTINOPTÉRYGIENS
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Au sein des vertébrés à mâchoires, ou gnathostomes, les actinoptérygiens (Actinopterygii Cope, 1887) sont, avec les sarcoptérygiens, l'un des deux groupes d'ostéichthyens. Ils comptent dans la nature actuelle 23 712 espèces de poissons, dont l'immense majorité sont des téléostéens. Comme tous les ostéichthyens, ils présentent de grandes plaques osseuses dermiques couvrant la tête et la ceinture pectorale, des os prémaxillaire, maxillaire et dentaire portant les dents, un endosquelette formé d'os endochondral (os spongieux), et des rayons dermiques des nageoires constitués de rangées de petites écailles, les lépidotriches.
Les caractères anatomiques du squelette propres aux seuls actinoptérygiens et qui attestent leur monophylétisme sont peu nombreux et, de surcroît, fortement modifiés chez les groupes les plus évolués, comme les téléostéens. Les trois principaux caractères distinctifs sont les écailles de type « ganoïde » (épaisses et couvertes de multiples couches de dentine et d'émail) et articulées en tenon-mortaise, une seule nageoire dorsale (secondairement subdivisée chez certains téléostéens) et un capuchon d'acrodine (un type de dentine fortement minéralisé et aussi transparent que l'émail) qui renforce l'apex des dents. Il existe de nombreux autres caractères au niveau de l'anatomie des tissus mous, mais inconnus chez les fossiles. Parmi eux, citons l'éversion des hémisphères du télencéphale au cours du développement embryonnaire du cerveau. Le monophylétisme des actinoptérygiens est également bien corroboré par les données issues de la biologie moléculaire (séquences de gènes de l'ADN et de l'ARN).
Grands groupes d'actinoptérygiens actuels
La classification des actinoptérygiens actuels est désormais un reflet de leur phylogénie, conformément aux principes de la systématique phylogénétique, ou cladistique. Toutefois, cette classification peut évoluer au gré des hypothèses concernant certaines relations de parenté. On reconnaît cependant, au sein des actinoptérygiens actuels, quelques grands groupes dont le monophylétisme n'est pas mis en doute : les cladistiens, les acipensériformes, les ginglymodes, les halécomorphes, les téléostéens.
Les cladistiens (Cladistia, ou polyptériformes ou brachyoptérygiens) sont représentés par une dizaine d'espèces réparties en deux genres, Polypterus et Erpetoichthys, qui vivent dans les eaux douces d'Afrique. Décrit initialement par Étienne Geoffroy-Saint-Hilaire (1772-1844) pendant la campagne d'Égypte, le polyptère (Polypterus) a fortement excité les imaginations dans un contexte de transformisme naissant. Ses épaisses écailles ganoïdes losangiques ressemblent à celles des actinoptérygiens fossiles antérieurs à 250 millions d'années (Ma), ses nageoires pectorales présentent un lobe charnu basal évoquant un membre et il possède un poumon qui suggérait alors une relation avec les vertébrés terrestres, ou tétrapodes. Plus tard, Thomas Huxley remarqua le même type de nageoire pectorale à base lobée chez d'autres poissons paléozoïques, connus maintenant pour être des sarcoptérygiens, comme les cœlacanthes, les dipnomorphes et les poissons tétrapodomorphes, et les rassembla avec le polyptère dans un ensemble nommé « crossoptérygiens », où il voyait un groupe ancestral pour les tétrapodes. De nos jours, il est clair que le polyptère (de même que les cladistiens en général) n'est pas un sarcoptérygien et ne présente aucun caractère anatomique particulier qui soit impliqué dans l'origine des tétrapodes. Son poumon a essentiellement une fonction de vessie natatoire, bien qu'il aide occasionnellement à la respiration ; toutefois, il est probablement l'homologue du vrai poumon des sarcoptérygiens et serait un caractère ancestral des ostéichthyens. Quant au lobe basal de la nageoire pectorale des cladistiens, son squelette interne composé de trois éléments élargis n'offre aucune ressemblance particulière avec celui des nageoires des sarcoptérygiens et représente une modification de la structure générale de celui des actinoptérygiens, constituée de quatre baguettes osseuses s'articulant sur la ceinture pectorale. Les cladistiens sont caractérisés notamment par une curieuse nageoire dorsale continue, constituée d'une série de petites « pinnules » rigides soutenant chacune un petit voile triangulaire. Polypterus et Erpetoichthys sont anatomiquement presque identiques, mais ce dernier présente un corps considérablement plus allongé, presque anguilliforme.
Les acipensériformes (Acipenseriformi, ou chondrostéens) comptent vingt-six espèces et regroupent les esturgeons et scaphirhynques (acipenséridés) et les polyodontes, ou poissons-spatules (polyodontidés). Ce groupe est clairement monophylétique, car il présente de nombreux caractères uniques, comme une symphyse du palatocarré (endosquelette de la mâchoire supérieure). Il est également caractérisé par une réduction des écailles, à l'exception de quelques rangées de grandes écailles épaisses le long du dos et des flancs chez les acipenséridés. Cependant, les os dermiques couvrant le crâne restent massifs et les lépidotriches des nageoires très rigides. L'endosquelette est très faiblement ossifié et largement cartilagineux. Ce caractère, que l'on pensait jadis primitif, est en fait secondaire.
Les acipenséridés (esturgeons, scaphirhynques) possèdent un museau pointu, prolongeant un toit crânien massif, mais leurs mâchoires sont extrêmement réduites, armant une bouche suceuse. Ils vivent dans les eaux douces d'Eurasie et d'Amérique du Nord, mais beaucoup sont anadromes (remontent le cours des fleuves). Les polyodontidés (Polyodon, Psephurus) sont caractérisés par un museau extrêmement allongé, en forme de spatule, mais leurs mâchoires, adaptées au filtrage du plancton, sont beaucoup plus développées que chez les acipenséridés. Les polyodontidés vivent dans les eaux douces d'Amérique du Nord et de Chine.
Les ginglymodes (Ginglymodi, ou lépisostéiformes) sont représentés par sept espèces réparties en deux genres très proches, Lepisosteus et Atractosteus, de la famille des lépisostéidés, qui vit dans les eaux douces d'Amérique du Nord et d'Amérique centrale (y compris Cuba). Leurs écailles ganoïdes, primitives pour les actinoptérygiens, ressemblent à celles des cladistiens, mais ils sont caractérisés par un museau et des mâchoires étroites et allongées, une partie des dents supérieures étant insérées sur des os sous-orbitaires et non sur le maxillaire.
Les halécomorphes (Halecomorphi) ne sont représentés dans la nature actuelle que par l'espèce Amia calva, des eaux douces de l'est de l'Amérique du Nord. Ce poisson aux écailles arrondies est le dernier survivant d'un groupe très abondant au Mésozoïque. Il se distingue par quelques caractères anatomiques uniques, comme la participation de l'os symplectique à l'articulation de la mandibule.
Les téléostéens (Teleostei) sont les plus abondants, les plus diversifiés et souvent les plus spécialisés des actinoptérygiens actuels. Ils comptent 23 668 espèces marines et d'eau douce, de morphologie très diverse : perches, brochets, harengs, morues, thons, soles, hippocampes, poissons-coffres, poissons-lunes, etc. Ils sont caractérisés par le fait que deux os de leur mâchoire supérieure, le prémaxillaire et le maxillaire, sont extrêmement mobiles et permettent l'allongement de la bouche lors de son ouverture.
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Écrit par
- Philippe JANVIER : directeur de recherche émérite au CNRS
Classification
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Voir aussi
- POLYPTÈRES
- POLYODONTIDÉS
- PALÉONISCIFORMES
- GANOÏDE
- HOLOSTÉENS
- ACIPENSÉRIDÉS
- BRACHIOPTÉRYGIENS ou CLADISTIENS ou POLYPTÉRIFORMES
- ÉCAILLE
- NAGEOIRE
- ACRODINE
- ACIPENSÉRIFORMES
- GINGLYMODES ou LÉPISOSTÉIFORMES
- ATRACTOSTEUS
- HALÉCOMORPHES
- ACTINOPTÈRES
- NÉOPTÉRYGIENS
- LEPISOSTEUS
- AMIA
- ANIMAL RÈGNE
- PHYLOGÉNIE ou PHYLOGENÈSE
- PALÉOZOOLOGIE