ACTION & RÉACTION, physique
C'est avec la troisième loi de Newton (1642-1727) que le mot « action » entre dans le vocabulaire scientifique, avec un sens à vrai dire assez ambigu. Il s'applique à la dénomination de la force exercée par un corps sur un autre, la loi en question affirmant alors qu'elle est toujours égale à la force réciproque, ou « réaction ». Ainsi, le poids d'un objet sur le sol (action) est-il équilibré par une force inverse exercée par le sol sur le corps (réaction). Dans un « avion à réaction » ou une fusée, le moteur exerce une force dirigée vers l'arrière sur les gaz expulsés (action), la force motrice agissant sur l'engin étant alors la réaction. Autant dire que, en vertu même du principe qui en affirme l'égalité, la notion d'action et celle de réaction sont interchangeables et dépendent du point de vue qui privilégie telle ou telle partie du système physique.
Le principe de moindre action
L'aire sémantique très large du terme va le conduire, toujours dans le cas de la physique, à d'autres emplois, plus profonds sans doute. « La Nature dans la production de ses effets agit toujours par les moyens les plus simples. [...] Lorsqu'il arrive quelque changement dans la nature, la quantité d'action nécessaire pour ce changement est la plus petite qu'il soit possible. [...] Notre principe [...] laisse le Monde dans le besoin continuel de la puissance du Créateur et est une suite nécessaire de l'emploi le plus simple de cette puissance. » C'est par ces réflexions métaphysiques de Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759), en étroite parenté d'esprit avec la Théodicée de Leibniz, que la physique voit s'imposer une autre notion d'action. À l'origine de cette terminologie donc, la puissance divine. Plus laïquement, Joseph Louis Lagrange (1736-1813) montrera que la mécanique de Newton peut se déduire d'un « principe variationnel ». L'idée en est la suivante : on considère pour un mobile toutes les trajectoires concevables entre deux points ; à chacune d'elles, on associe une certaine grandeur, calculée (par intégration le long de la trajectoire) à partir des vitesses et positions du corps. La quantité physique correspondante, qui n'a rien d'intuitif, fut baptisée action en vertu des considérations essentiellement théologiques initiales, et sans guère de rapport avec le sens courant du mot – de façon générale, on appelle maintenant action toute grandeur physique du type : masse × longueur × vitesse. La trajectoire effectivement suivie par le mobile possède la propriété de rendre extrémale cette action – autrement dit, l'action est stationnaire pour la trajectoire effective. Le principe variationnel régit les mouvements des corps de façon globale alors que l'équation différentielle du mouvement (loi de Newton) vaut localement ; le premier caractérise la trajectoire dans son ensemble, alors que la seconde la construit point par point. Bien entendu, les deux méthodes sont strictement équivalentes du point de vue mathématique : en exprimant par un procédé infinitésimal la stationnarité de l'action, on retrouve la loi de Newton. Qu'il ne faille plaquer aucune interprétation métaphysique sur le principe variationnel est prouvé par le fait que, malgré sa dénomination usuelle de « principe de moindre action », il arrive que, dans certaines circonstances, l'action soit maximisée et non minimisée. Au fond, le principe variationnel n'est jamais qu'une généralisation de l'idée qui consiste à caractériser un segment de droite globalement, comme le plus court chemin d'un point à un autre. Le caractère non local de la notion d'action l'amène à jouer un rôle important dans la transition de la mécanique classique à la mécanique quantique. C'est à partir d'une généralisation du principe de moindre action que Richard Feynman a donné[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
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