ACTION & RÉACTION, physique
L'action à distance
On ne saurait être surpris qu'un terme aussi vague que celui d'action connaisse plusieurs acceptions, y compris dans une même discipline. De fait, la physique recourt également à ce mot pour traiter du problème de « l'action à distance ». Il s'agit ici d'un usage plus conforme au sens courant du terme, puisque la question est celle de la capacité des corps à agir l'un sur l'autre sans contact – telle la force de gravitation du Soleil attirant la Terre à cent cinquante millions de kilomètres de distance. L'attraction universelle de Newton, sous l'évidence de sa formulation, recèle une considérable difficulté intellectuelle : « deux corps quelconques s'attirent en raison directe de leurs masses et en raison inverse du carré de leur distance ». Comment la Terre peut-elle subir une attraction de la part du Soleil, sans être en contact avec lui ? Et, plus mystérieusement encore, comment comprendre que cette action s'exerce instantanément ? Or, dans la formule newtonienne, la force qui s'exerce sur un corps à un moment donné dépend de la distance qui le sépare de la position occupée par l'autre au même instant exactement. Il est simple, semble-t-il, de comprendre les actions de contact : un corps exerce une action sur un autre quand il le touche. C'est bien ainsi que nous lançons, tirons, poussons, bloquons. Mais à distance, et instantanément ? Quel est le mécanisme de l'interaction ? Je ne fais pas semblant de savoir (Hypotheses non fingo), répondait en substance Newton, refusant ainsi les spéculations logiques mais étrangères à la considération des phénomènes observés – sous-entendant que, de toute façon, les calculs des mouvements célestes sont si précis que sa formule doit être correcte. Mais les interrogations de ses contemporains demeuraient sans réponse, et l'on peut comprendre les critiques adressées à Newton par les cartésiens qui lui reprochaient de réintroduire subrepticement les qualités occultes que Galilée avait éliminées pour fonder la science moderne : quelle différence, demandaient-ils, entre cette force de gravitation et la « vertu dormitive » de l'opium ? Les newtoniens avaient beau jeu de répondre que leur attraction universelle était formalisée, numérisée, et engageait des explications et des prédictions quantitatives, observables et vérifiables. Certes la loi de l'attraction universelle possède sans doute une validité phénoménologique indubitable, et « tout se passe comme si » les corps s'attiraient en raison, etc. Reste la question du comment. Et si les cartésiens, échouaient à justifier quantitativement la loi de Newton, ils avaient au moins le mérite de permettre une appréhension plus raisonnable des actions entre corps célestes : un espace plein (d'éther) est évidemment plus propice à transmettre des influences de proche en proche que ne peut le faire un espace vide, où l'absence de substance médiatrice condamne à une action à distance directe. C'est la notion de champ qui éliminera finalement la difficulté. À l'action à distance newtonienne va se substituer une action médiatisée par un champ gravitationnel ; au lieu de considérer qu'un corps exerce une force sur un autre, directement et à distance, on comprendra le phénomène d'interaction par la conjugaison de trois phases :1. le premier corps engendre autour de lui un champ gravitationnel (entendons par là une structuration spécifique de son environnement) ; 2. ce champ se propage dans l'espace ; 3. le second corps, soumis à l'influence du champ, en subit une force. Dans ce schème, l'action gravitationnelle à distance est bien ramenée à un jeu d'influences locales. Bien entendu, la question de l'instantanéité est réglée sans ambiguïté : l'action est rapide, certes, mais pas instantanée, et exige un certain délai de[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
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