ACTION FRANÇAISE
Au sens le plus étroit du terme, L'Action française est le titre d'un journal quotidien qui a paru en France de 1908 à 1944 et dont le principal animateur était Charles Maurras (1868-1952).
Mais l'Action française désigne aussi un mouvement qui est né plusieurs années avant 1908 et qui n'a pas disparu en 1944 ; l'histoire de ce mouvement, qui a exercé pendant près d'un demi-siècle une influence capitale sur le nationalisme français, ne se confond ni avec l'histoire d'un journal, ni avec l'exposé de la doctrine maurrassienne.
L'influence de l'Action française a été telle qu'elle a conduit ceux-là mêmes qui en étaient le plus éloignés à se définir par rapport à elle ou contre elle. On comprend mal tant l'histoire de la droite française que celle du catholicisme dans la première moitié du xxe siècle, et en tout cas on risque de ne rien comprendre à l'essor de la démocratie chrétienne, si on méconnaît l'influence exercée par l'Action française.
Doctrine de l'Action française
On n'évoquera pas ici les idées et la personnalité du fondateur de l'Action française avec sa barbiche et son feutre noir, sa surdité, son intransigeance, sa passion pour le Midi méditerranéen et pour la Grèce antique, son goût pour la poésie, son culte de la rigueur, de l'ordre et de la raison, sa manie de corriger sans cesse par d'indéchiffrables ratures les manuscrits de ses articles quotidiens, mais il est indispensable de présenter à grands traits la doctrine maurrassienne, car Maurras fut pour les fidèles de l'Action française un maître à penser, un chef d'école, le détenteur incontesté de la vérité politique.
La principale originalité de Maurras, c'est qu'il a réalisé, avec toutes les apparences de la rigueur la plus absolue (« Il est, écrivait-il, des vérités que tout établit, que rien ne dément. »), l'amalgame de deux tendances jusqu'alors bien distinctes et même longtemps opposées : le traditionalisme contre-révolutionnaire et le nationalisme.
L'essentiel de la pensée de Maurras est en parfaite harmonie avec l'enseignement des « maîtres de la contre-révolution », Maistre, Bonald, Burke : chez lui comme chez eux, on retrouve la même critique implacable des principes de 1789, la même haine des abstractions et du « panjurisme » révolutionnaires, la même condamnation de la démocratie, le même attachement aux traditions, le même souci de fonder l'action politique sur les réalités naturelles, c'est-à-dire sur le legs de l'histoire et les leçons du passé. C'est de là que viennent la « politique naturelle » de Maurras, sa distinction entre le « pays légal » et le « pays réel », sa confiance dans les communautés naturelles que sont la famille, la région, le métier. Mais cet ennemi du xixe siècle – « le stupide xixe siècle » dont parlera son ami Léon Daudet – n'en est pas resté à l'époque de Joseph de Maistre. Son positivisme et la confiance qu'il place, dès ses premiers écrits politiques, dans l'« empirisme organisateur » comme principe et méthode de pensée et d'action portent la marque d'Auguste Comte, dont l'œuvre a exercé sur lui une profonde influence, ainsi que celle de Taine, qui voyait dans le jacobinisme « le chef-d'œuvre de la raison pure et de la déraison pratique ».
Jusqu'à la fin du xixe siècle, cependant, le nationalisme français était resté lié de la façon la plus étroite aux souvenirs de l'époque révolutionnaire : « la patrie en danger », Valmy, les soldats de l'an II. C'est ce nationalisme de tradition révolutionnaire qui inspire Michelet (notamment dans Le Peuple), les communards, les fondateurs de la Ligue des patriotes avant la crise boulangiste, plus tard[...]
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Écrit par
- Jean TOUCHARD : secrétaire général de la Fondation nationale des sciences politiques, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
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