ACTION FRANÇAISE
Influence et destinée
Les raisons d'une influence
L'influence de L'Action française a certainement été beaucoup plus profonde que le nombre de ses lecteurs ne le laisse supposer. Avant la Première Guerre mondiale, au temps de l'enquête d'Agathon, les frontières ne sont pas nettes entre l'Action française et les autres formations de droite. Entre les deux guerres, à l'époque où l'Action française tend de plus en plus à se replier sur elle-même, les idées maurrassiennes sont véhiculées non seulement par l'organe du « nationalisme intégral », mais par diverses publications qui exercent une sorte d'effet multiplicateur : collections d'ouvrages à gros tirage comme « Les Grandes Études historiques » de Fayard, où paraissent les livres de Gaxotte et de Bainville (qui par ailleurs publie régulièrement des chroniques dans de très nombreux journaux, y compris Le Petit Parisien) ; revues pour le grand public comme La Revue universelle fondée en 1920, dont le secrétaire général est Henri Massis ; revues de jeunes comme Réaction fondée en 1930 par Jean de Fabrègues, Combat (1936) de Thierry Maulnier et Jean de Fabrègues, L'Insurgé (1937) de Thierry Maulnier et Jean-Pierre Maxence ; hebdomadaires comme Candide, fondé par Fayard en 1924, qui a, comme Gringoire, plusieurs centaines de milliers de lecteurs, ou comme Je suis partout, également fondé par Fayard, et qui, après avoir été dirigé par Gaxotte, évoluera, avec Robert Brasillach, Lucien Rebatet, Alain Laubreaux, vers le fascisme et la collaboration.
Pourquoi cette influence ? Les raisons ne sont pas évidentes, mais on peut, semble-t-il, en distinguer trois :
– Tout d'abord, la pensée de Maurras se présente comme un ensemble parfaitement cohérent. C'est sans doute, avec le marxisme, la seule doctrine politique, au sens plein du terme, qui, dans la France de l'entre-deux-guerres, s'offre aux esprits soucieux de rigueur et ennemis de l'opportunisme.
– C'est une doctrine d'opposition absolue, de protestation radicale, qui ne peut manquer d'exercer une certaine séduction sur ceux qui, sans toujours être monarchistes, éprouvent un profond dégoût pour le monde où ils sont condamnés à vivre.
– Enfin, il faut souligner l'incontestable qualité littéraire de L'Action française, la liberté de ton et de goût dont témoigne la rubrique littéraire, la confiance faite à de très jeunes gens comme Robert Brasillach, Thierry Maulnier ou Pierre Boutang, l'intérêt porté au cinéma, la densité de la page militaire. L'Action française est un journal intéressant, et Proust disait en 1920 qu'il lui était impossible d'en lire un autre.
L'Action française hors de France
L'influence de l'Action française n'a pas été limitée à la France et ses idées ont connu dans de nombreux pays une large audience : en Belgique, où le catholicisme a longtemps porté la trace de l'influence maurrassienne et où le rexisme de L. Degrelle à ses débuts développe des thèmes très proches de ceux de l'Action française ; en Suisse, avec le mouvement Ordre et Tradition et la Ligue vaudoise de Marcel Regamey ; en Italie, avec le groupe de l'Ideanazionale d'Enrico Corradini, Luigi Federzoni et Francesco Coppola ; en Espagne, avec l'Acciónespañola de Ramiro de Maeztu et José Calvo Sotelo ; au Portugal, avec la Naçãoportuguesa d'Antonio Sardinha et Hipolito Raposo, etc.
L'Action française a applaudi à l'avènement de Mussolini comme à celui de Franco et n'a jamais marchandé les éloges à l'Italie mussolinienne et à l'Espagne franquiste, mais c'est sans doute au Portugal que l'influence de l'Action française a été la plus profonde et la plus durable. L'Estado novo, établi en 1926, présentait d'évidentes similitudes avec la doctrine de l'Action[...]
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Écrit par
- Jean TOUCHARD : secrétaire général de la Fondation nationale des sciences politiques, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Médias
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