ACTION HUMANITAIRE INTERNATIONALE
Enjeu et problèmes de l'action humanitaire dans le monde d'aujourd'hui
Une réflexion sur le temps mondial s'impose. On ne peut qu'être frappé, en effet, par le contraste existant entre la rapidité de l'effet médiatique et la lenteur avec laquelle évoluent les normes du droit ; entre l'émotion qui naît du choc de l'événement et la nécessaire réflexion sur les données concrètes d'une situation politique ; entre la reconnaissance, renforcée depuis 1989, des principes de la démocratie et le fait que ses formes sont encore loin de s'imposer partout dans le monde. Nous vivons, dans le domaine de l'humanitaire comme dans bien d'autres, une période propice au flou. Faut-il s'étonner que tant de malentendus accompagnent aujourd'hui le développement de l'action humanitaire et l'apparition d'un droit d'ingérence ?
L'humanitaire dans un monde divisé
L'humanitaire doit se frayer un chemin dans un monde aussi divisé qu'il le fut au temps de la guerre froide. Mais cette division est aujourd'hui l'effet de forces contradictoires agissant à l'échelle planétaire et non plus d'un antagonisme entre grandes puissances.
On assiste, depuis les années 1990, à l'émergence d'une conscience de l'humanité comme expression de la communauté d'intérêts et de destin du genre humain. La mondialisation de l'économie, la diffusion et donc la perception généralisée de l'information, le développement des risques écologiques réduisent la marge d'autonomie des individus et d'indépendance des États. La souffrance des hommes peut-elle, dans ce contexte, demeurer, selon l'expression de René-Jean Dupuy, une affaire d'État ? et comment l'ingérence ne serait-elle pas à l'ordre du jour ?
En face de ce qu'il faut bien appeler, fût-elle à l'état d'ébauche, une société mondiale, s'affirme la résistance des sociétés particulières, des cultures vivantes, des États-nations qui sont, avec des formes propres à chaque région du monde, le refuge du sentiment identitaire et le cadre privilégié de la vie politique et des solidarités sociales. L'arrivée sur la scène mondiale de jeunes nations et la montée des nationalismes redonnent ainsi vigueur aux normes classiques du droit international sur la non-ingérence dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre État. Une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 24 octobre 1970 rappelle que cette non-ingérence ne se limite pas au cas de l'intervention armée visé par l'article 2 de la Charte, mais s'étend à « toute autre forme d'ingérence ou de menace dirigée contre la personnalité d'un État ou contre ses éléments politiques, économiques ou culturels ».
Les débats autour de l'action et du droit humanitaires s'inscrivent dans un paysage contrasté où s'opposent comme autant de couples antithétiques l'individualisme des démocraties occidentales et les morales des pays du Sud, la conscience d'une communauté de destin à l'échelle planétaire et les replis identitaires, les droits universels et l'attachement à des cultures particulières, l'intangibilité des frontières au nom de l'ordre international et la tentation de les dépasser au nom de l'efficacité économique ou de la défense des droits de l'homme.
L'ingérence humanitaire
Les oppositions que nous venons d'évoquer pourraient faire penser que nous sommes en présence d'un choix, toujours difficile à faire, entre les droits de l'homme et la raison d'État, l'intervention et la non-intervention, le principe de non-ingérence et le droit d'ingérence. La réalité, dans les esprits comme sur le terrain, n'est pas aussi simple.
Le vocabulaire[...]
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Écrit par
- Pierre GARRIGUE : ancien élève de l'Ecole normale supérieure, agrégé d'histoire, inspecteur général honoraire de l'Education nationale
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média